Dans un communiqué, l'Académie nationale de médecine alerte sur les risques de la promotion de l'utilisation des feuilles séchées d'Artemisia dans le traitement du paludisme. En France, la vente de produits à base d'Artemisia a été interdite.
Le Pr Martin Danis, infectiologue et rapporteur du texte de l'Académie interrogé par le « Quotidien », se dit « inquiet » de la couverture médiatique qui a été faite de l'Artemisia. Le documentaire « Malaria Business » sorti en 2017 et le livre du Dr Lucile Cornet-Vernet « Artemisia, une plante accessible à tous pour éradiquer le paludisme » sorti en octobre 2018 ont en effet trouvé écho dans divers médias. Le sujet s'est même immiscé à l'Assemblée nationale le 13 novembre 2018 où le documentaire a été diffusé.
Des résultats contestés
Le Dr Cornet-Vernert est orthodontiste et fondatrice de l'association la Maison de l'Artemisia. Dans son livre (co-écrit avec Laurence Couquiaud) et sur le site de l'association, on apprend notamment que les tisanes d'Artemisia sont associées à un taux de guérison de 98 %. Le Pr Danis dénonce des arguments non fondés.
Une publication récente dans la revue « Phytomedicine » – dont le Dr Cornet-Vernet est co-auteur – a été mise en ligne en décembre 2018. Mené en République démocratique du Congo, cet essai clinique randomisé en double insu a inclus 957 patients infectés par le paludisme ; la moitié a reçu de l'ASAQ (combinaison artésunate-amodiaquine), l'autre de l'Artemisia sous forme d'infusion. Les auteurs concluent à la supériorité des infusions. « Cette publication est extrêmement faible en termes de certitudes, estime le Pr Danis. Les résultats sont d'autant plus surprenants qu'ils montrent que le traitement combiné, actuellement recommandé en République démocratique du Congo, présente des taux d'échec incroyables par rapport à la tisane. Alors que l'étude ne distingue pas les rechutes, qui constituent de vrais échecs, des réinfections ! » Il émet également des réserves sur la qualité de la randomisation et du double insu.
La Maison de l'Artemisia s'est pourtant déjà implantée dans divers pays d'Afrique pour promouvoir la culture locale de l'Artemisia. « En aidant au développement de la culture de ces plantes médicinales, la Maison de l’Artemisia permet aux acteurs locaux d’une dizaine de pays africains de se soigner à moindres frais, localement et efficacement alors qu’un médicament sur deux vendu en Afrique est faux et que les résistances médicamenteuses se développent », lit-on sur la brochure de l'association.
Un risque pour les jeunes enfants primo-infectés
Dans ce contexte, l'Académie s'inquiète des « dangers immédiats de l'utilisation des feuilles séchées d'Artemisia ». « En l'absence d'études certaines et étant donné la diffusion d'informations sans garde-fou, nous craignons une dérive, s'alarme le Pr Danis. Dans ces zones où le paludisme est très présent, la plupart des individus ont développé des anticorps à la suite d'une première infection. Mais si de jeunes enfants, qui n'ont pas encore acquis d'immunité contre le paludisme, sont traités par ces tisanes, il y a un risque élevé d'accès pernicieux (complication grave du paludisme). »
L'Académie demande ainsi « que cesse une campagne de promotion organisée par des personnalités peut-être bien intentionnées mais incompétentes en paludologie ».
La découverte de l’artémisinine, extraite de l'Artemisia annua, et de son efficacité contre le paludisme, a valu à la chercheuse chinoise Youyou Tu le prix Nobel de médecine en 2015, rappelle l'Académie. Le traitement du paludisme combine l'artémisinine dont l'action est rapide à un autre antipaludique d’action plus prolongée.
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