Par les Drs Mathilde Berthelot et Estrella Lasry
SELON LES ESTIMATIONS les plus récentes de l’OMS, le nombre de cas de paludisme dans le monde a diminué d’un quart en l’espace de dix ans. Ainsi, plus d’un million de décès auraient été évités. Ce progrès est notamment le fruit d’une augmentation exponentielle des financements internationaux destinés à cette pathologie au cours de la même période. Ceci a permis de développer l’accès à deux outils fondamentaux : les tests diagnostiques rapides et les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (ACT), qui ont révolutionné la prise en charge de la maladie dans les pays en développement.
Pourtant, on estime que dans le monde plus de 600 000 décès sont encore attribuables au paludisme chaque année. L’énorme majorité d’entre eux sont des enfants de moins de 5 ans qui vivent en Afrique subsaharienne.
En 2012, les équipes de Médecins Sans Frontières ont dû faire face à des augmentations exceptionnelles des cas de paludisme au Mali, au Niger, en République Démocratique du Congo, au Soudan du Sud, mais aussi en Grèce et à Madagascar.
L’énorme majorité des décès dus au paludisme découle des formes sévères d’infection par Plasmodium falciparum. Elles se développent souvent à partir de cas simples soignés de façon tardive ou inadéquate, à cause du manque de personnel qualifié, des difficultés d’approvisionnement, de l’accès payant aux soins, de la distance des structures de santé.
Deux solutions sont alors possibles : améliorer la prise en charge ou prévenir la survenue des cas.
Dans de nombreux pays il est difficile d’espérer une amélioration radicale de la couverture sanitaire avant plusieurs années : le Tchad par exemple, où le paludisme demeure la première cause de mortalité chez les enfants, ne compte aujourd’hui que quatre médecins par 100 000 habitants.
Reste la prévention. Les moustiquaires imprégnées ont démontré leur efficacité, mais elles demeurent chères et leur bonne utilisation n’est pas toujours acquise. Les efforts de désinfestation par la pulvérisation d’insecticides dans les foyers requièrent des capacités logistiques et financières telles que leur application à très grande échelle dans la plupart des pays concernés est impossible. Enfin, bien des regards se tournent vers les différents vaccins en cours de développement. Mais même le plus prometteur d’entre eux semble montrer pour l’instant une efficacité et une durée d’immunisation très limitées.
Faut-il pour autant baisser les bras ? Quelles stratégies de terrain peut-on développer face à ces contraintes ?
Au cours des dernières années, différentes approches opérationnelles se sont dessinées qui permettent de limiter l’infection ou de soigner plus rapidement un plus grand nombre de cas.
Au Tchad, les équipes de Médecins Sans Frontières mènent depuis 2009 un projet qui prévoit le traitement des cas simples de la maladie dans les villages, par des « agents » non médicaux formés au dépistage précoce et au traitement. En 2012, 40 000 enfants atteints de paludisme ont été soignés ainsi, évitant de nombreuses complications.
Dans le sud du Mali et au Niger, cette même approche a été intégrée par MSF dans un ensemble de soins pédiatriques de routine à destination de tous les nourrissons. Ceci a pour effet, entre autres, de multiplier les contacts des enfants avec le système de santé, permettant donc de dépister plus rapidement le paludisme et ses complications.
Des résultats encourageants.
Enfin, en 2012 Médecins Sans Frontières a mis en place, au Mali et au Tchad, des stratégies de chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS). Environ 200 000 enfants sains ont reçu un traitement contre le paludisme une fois par mois pendant la période de haute transmission de la maladie. Les résultats sont extrêmement encourageants : une réduction de 66 % du nombre des cas de paludisme simple, de 70 % du nombre d’hospitalisations et de 75 % du nombre de transfusions dues au paludisme au cours de la période d’intervention dans le district de Koutiala, au Mali.
Aucune de ces approches ne représente pourtant une solution miracle. Elles relèvent des mesures de contrôle que les acteurs humanitaires ont mis en place en situation d’urgence structurelle, pour faire face à un grand nombre de cas et à des taux de mortalité élevés dans des contextes faiblement médicalisés.
Mais elles ont en commun certaines orientations : amener les soins au plus près des patients, s’adapter aux systèmes de soins existants et réduire le plus grand nombre de cas simples pour limiter le nombre de complications et de décès.
En attendant que la recherche scientifique apporte un jour des outils de vaccination et de traitement encore plus simples, efficaces et accessibles et que les systèmes de santé locaux soient enfin à même de faire face aux besoins, ces approches représentent à nos yeux une solution efficace et adaptée pour donner une nouvelle impulsion à la lutte contre cette grande tueuse.
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