Après le RTS, S (GSK) et le R21 (mis au point par l’université d'Oxford et l'Institut de recherche de Nanoro au Burkina Faso, et fabriqué par le Serum institute of India), un 3e vaccin destiné à lutter contre l’épidémie de paludisme est en développement. Il serait sûr et bien toléré, selon des résultats d’études de phase 1 et 2 publiés dans The Lancet Infectious Disease, et prometteur chez les femmes enceintes en termes d’efficacité. Le vaccin est produit à partir de versions vivantes et purifiées du parasite au stade sporozoïte (d’où son nom : P. falciparum sporozoïte, ou PfSPZ), c’est-à-dire le moment du cycle de vie du parasite où il est sous la forme de cellules présentes dans les glandes salivaires de l’anophèle, capables d’être transmises à un hôte humain puis de pénétrer dans le foie.
Au cours de leurs travaux, les chercheurs maliens et américains, du centre de référence sur le paludisme de l’université de Bamako et de l’Institut national américain de recherche sur les allergies et les maladies infectieuses (NIAID) de Bethesda, ont tenté d’évaluer la réponse à la vaccination des adultes en général, et des femmes enceintes en particulier. L’infection au cours de la grossesse est en effet associée à une présence prolongée du Plasmodium dans le sang de la femme infectée, et d’un risque augmenté de réponse inflammatoire du placenta, ainsi que d’une diminution des chances de naissances vivantes. Rappelons que les deux vaccins qui sont actuellement recommandés par l’OMS, le RTS, S et le R21, fondés sur des protéines virales recombinantes, ne sont indiqués que dans la prévention de l’infection chez les enfants. Aucun n’a encore démontré son innocuité ou son efficacité chez la femme enceinte.
Traitement antipaludéen obligatoire
Les deux études, MLSPZV3 (phase 1) et MLSPZV4 (phase 2) ont été menées au Mali, et ont inclus des adultes de 18 à 35 ans, dont des femmes enceintes ou avec un projet de grossesse. Les 210 participants de l’essai MLSPZV3 ont reçu trois doses de 9 × 105 de PfSPZ ou un placebo, suivant un schéma de quatre semaines (une dose à l’inclusion, puis deux autres au bout d’une et quatre semaines) ou 16 semaines (une dose toutes les huit semaines). Tous les participants ont en outre reçu une nouvelle dose booster l’année suivante.
Dans l’essai MLSPZV4, 407 femmes ayant un projet de grossesse ont également reçu un traitement antipaludéen : artéméther-luméfantrine, deux fois par jour pendant trois jours, deux semaines avant la première de dose de vaccin (9 × 105, 1,8 × 106 ou placebo) suivant un schéma à quatre doses. Dans les deux études, tous les participants ont reçu de l’artéméther–luméfantrine deux semaines avant la troisième dose. Cette administration d'un traitement antipaludique en cours de schéma vaccinal est en effet cruciale : dès que les parasites quittent le foie, le médicament les élimine immédiatement. Cela permet au système immunitaire d'être exposé à de nombreuses protéines parasitaires sans que les parasites ne provoquent la pathologie. Le critère d’évaluation du vaccin était le délai moyen écoulé entre la vaccination et le premier prélèvement sanguin positif pour le P. falciparum.
Entre 96 % et 99 % des participants des différents groupes ont complété le premier schéma vaccinal à trois doses. Dans l’étude MLSPZV4, les taux de fausse couche au cours du premier trimestre étaient similaires dans les différents groupes : entre 12 et 21 %. En ce qui concerne l’efficacité, la dose 9 × 105 n’était pas efficace dans l’essai de phase 1 MLSPZV3 que ce soit avec un schéma à quatre semaines (efficacité de 27 % la première année, et de 42 % la deuxième) ou 16 semaines (16 et 14 %). Le délai avant positivité était similaire, voire significativement inférieur à ce qui était observé dans le groupe placebo.
L’essai de phase 2 plus concluant
En revanche, dans l’essai MLSPZV4, l’efficacité vaccinale était significative à la dose 9 × 105 (41 % la première année, et 61 % la deuxième) comme à la dose 1,8 × 106 (54 et 45 %). Le risque de manifestation clinique du paludisme était significativement réduit la première et la deuxième année, aux deux doses. Les auteurs ont ensuite distingué les femmes tombées enceintes moins de vingt-quatre semaines après la 3e dose (65 % d’efficacité dans le groupe 9 × 105 et 86 % dans le groupe 1,8 × 106) et celles tombées enceintes au cours des deux ans de suivi (57 % dans le groupe 9 × 105 et 49 % dans le groupe 1,8 × 106).
En combinant ces résultats dans une analyse post-hoc, les auteurs arrivent à la conclusion que le vaccin PfSPZ ne présente pas de risque particulier pour les femmes ayant un projet de grossesse, et ne réduit notamment pas le délai avant la première grossesse.
Le vaccin est « sûr et bien toléré par les adultes », et à ce stade, seul un schéma qui comprend l’adjonction d’un traitement antipaludéen en amont de la première dose (en plus de celui déjà prévu entre la deuxième et la troisième dose) le rend efficace pour prévenir l’infection au cours des deux saisons des pluies.
La technique du cheval de Troie pour prendre le paludisme au piège
Selon les chercheurs de l’Université nationale australienne (ANU) il serait possible de se servir du cholestérol humain, dont le Plasmodium falciparum a besoin pour se développer, pour l’attaquer de l’intérieur. Tel un Ulysse médicamenteux, le médicament pourrait ainsi mettre le parasite à sac avant qu’il ne poursuive son cycle.
Dans un article publié dans EMBO Molecular Medicine, les chercheurs détaillent la mise au point d’un moyen de lier le cholestérol aux médicaments. Selon le Pr Alexander Maier de l’ANU, cette approche est trois à 25 fois plus efficace pour éliminer les parasites que les médicaments qui ne sont pas liés au cholestérol. « En raison de sa mauvaise réputation, les gens oublient que le cholestérol est un élément de base de la vie et que les humains et les animaux en ont besoin pour fonctionner et survivre, explique le chercheur. Les parasites ont particulièrement besoin de cholestérol, car ils ont perdu la capacité d’en fabriquer eux-mêmes, poursuit-il. Comme les parasites ne peuvent pas produire du cholestérol, ils le volent à leurs hôtes et le stockent. »
Cette stratégie présenterait l’avantage de ne pas être contrecarrée par les mécanismes habituels de développement de résistances aux traitements. « Grâce à cette approche, nous pouvons également réutiliser des médicaments existants qui ont perdu leur efficacité et les rendre à nouveau efficaces », ajoute le Pr Maier.
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