L’arsenal prophylactique contre le paludisme pourrait s’enrichir d’approches plus faciles à déployer sur le terrain. Administré en une seule injection sous-cutanée et doté d’une longue durée d’action (6 mois), un anticorps monoclonal, développé avec le soutien de la Fondation Bill and Melinda Gates, s’est révélé bien toléré et efficace en prévention chez des enfants.
Ces résultats préliminaires obtenus dans un essai de phase 2 restent à confirmer mais sont encourageants. L’étude menée par l’Institut américain de l’allergie et des maladies infectieuses est publiée dans The New England Journal of Medicine.
L’approche par anticorps monoclonal présente des atouts pratiques (schéma d’administration simplifié) pour la mise en place d’une prévention, qui plus est dans des pays avec un accès limité au système de santé. Actuellement, la prophylaxie antipaludique repose sur la chimioprévention (sulfadoxine-pyriméthamine et amodiaquine) administrée une fois par mois pendant la saison palustre. Des campagnes de vaccination pour les enfants se déploient depuis 2019 en Afrique. Depuis octobre 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l’utilisation des vaccins antipaludiques RTS,S et R21 chez les enfants vivant dans des zones d’endémie palustre. L’administration du vaccin antipaludique nécessite un schéma à quatre doses aux enfants à partir de l’âge de cinq mois. Une cinquième dose, administrée un an après la quatrième dose, peut être envisagée dans les régions où il subsiste un risque important de paludisme.
Selon l’OMS, les deux vaccins préviennent environ 75 % des accès palustres lorsqu’ils sont administrés de manière saisonnière dans les zones de transmission hautement saisonnière où la chimioprévention du paludisme saisonnier est assurée. « Rien n’indique à ce jour qu’un des vaccins est plus efficace que l’autre », est-il précisé sur le site de l’institution. Le vaccin antipaludique RTS,S a été préqualifié par l’OMS en juillet 2022, le R21 en décembre 2023, la préqualification étant « une condition préalable à l’achat international du vaccin par des organismes des Nations unies ».
Intérêt de protéger les enfants d’âge scolaire
Dans cet essai, l’anticorps monoclonal, appelé L9LS testé précédemment dans un essai de phase 1 chez les adultes, s’est révélé efficace à 70 % en prévention de l’infection à Plasmodium falciparum à la dose de 300 mg. Les 225 enfants âgés de 6 à 10 ans inclus ont été randomisés avec 75 petits participants dans chacun des trois groupes (150 mg, 300 mg, placebo). Une infection à P. falciparum est survenue chez 36 participants (48 %) du groupe 150 mg, 30 (40 %) du groupe 300 mg et 61 (81 %) du groupe placebo.
Par rapport au placebo, l’efficacité du L9LS contre une infection à P. falciparum était de 66 % à une dose de 150 mg, (intervalle de confiance [IC] à 95 % ajusté, 45 à 79) et de 70 % à une dose de 300 mg (IC à 95 %, 50 à 82) [p < 0,001]. L’efficacité contre un paludisme clinique était de 67 % avec une dose à 150 mg (IC 95 % , 39 à 82) et de 77 % à une dose de 300 mg (IC 95 %, 55 à 89) [p < 0,001].
Alors que la chimioprévention n’est pas largement utilisée chez les enfants d’âge scolaire et qu’ils ne sont pas éligibles aux vaccins RTS,S ou R21, l’administration unique du L9LS avant la saison dans cette population facilement accessible pourrait être une approche pour diminuer l’impact de l’infection. Sachant que les enfants d’âge scolaire sont « un réservoir majeur d’infection asymptomatique et de transmission aux moustiques », indiquent les auteurs.
Des approches innovantes contre le paludisme
Dans la lutte contre le paludisme, « il n’y a pas de solution miracle », analyse dans un éditorial associé le Dr Trevor Mundel, président de la santé mondiale à la Fondation Bill and Melinda Gates. Pour faire baisser la mortalité et la morbidité, il estime nécessaire que « nous utilisions des combinaisons d’interventions parmi un éventail de classes de produits et que celles-ci soient personnalisées aux contextes locaux épidémiologiques, démographiques, environnementaux et socio-économiques ». Le développement de cet anticorps monoclonal s’inscrit dans une volonté d’innovation : deux autres sont à l’étude, ainsi que des petites molécules injectables à longue durée d’action et des vaccins de nouvelle génération.
Pour l’éditorialiste, les chiffres obtenus dans l’étude au Mali se rapprochent « très près de la cible de l’OMS d’au moins 80 % d’efficacité préventive contre la maladie clinique à 3-4 mois de suivi ». Mais le succès des anticorps monoclonaux sera aussi « hautement dépendant de l’innovation qui nous emmène au-delà du statu quo des coûts des produits manufacturés, des conditions de la chaîne du froid et des besoins du système de santé pour la distribution », prévient-il.
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