« Attention, ne sous-évaluons pas le coronavirus ! ». C’était le 25 janvier 2020. La pandémie n’avait pas encore été déclarée et pourtant, le Pr. Roberto Burioni tirait déjà la sonnette d’alarme. Contrairement à ses collègues qui affirmaient que ce virus ressemblait en tout point à « une petite grippe », ce virologue ponctuellement menacé de mort par les anti-vaccination et les négationnistes du coronavirus, évoquait aussi une catastrophe potentielle. « Si le taux de mortalité du virus chinois devait atteindre les 3 %, ce serait une véritable catastrophe, nous n’avons encore ni médicaments ni vaccins, n’oublions pas la grippe espagnole dont le taux de mortalité en 1918 était de 2 % ».
À l’époque, on le traite de menteur car il a osé dire que les patients asymptomatiques peuvent être contagieux. On l’accuse aussi de vouloir répandre la terreur lorsqu’il dit : « unissons nos forces et affrontons tous ensemble le virus qui est très démocrate car il infecte tout le monde, les gens de droite et de gauche ». D’autres l’accusent d’être raciste et d’avoir des affinités électives avec la Ligue, le parti xénophobe et populiste fondé en 1990, parce qu’il propose de placer les personnes ayant séjourné en Chine en quarantaine. Aujourd’hui, ses anciens ennemis lui rendent hommage : « le Prof avait raison ». Lui, cela le fait sourire car il est habitué aux lazzis et aux attaques. « Je suis né prématuré à 8 mois, je n’avais pas les anticorps qui sont transmis par la mère durant les dernières semaines de la gestation et j’ai dû apprendre à me battre dès ma naissance » se souvient ce virologue.
Né en 1962 à Pesaro, dans le centre de l’Italie, Roberto Burioni grandit entre son père médecin de famille, sa mère femme au foyer et sa sœur qui deviendra physicienne. Tout petit, il apprend à jouer du piano et rêve de s’inscrire au conservatoire pour devenir pianiste. Profondément hypocondriaque, terrorisé par la mort et les aiguilles, il ne se voit pas du tout en blouse blanche, le stéthoscope en bandoulière comme son père. Pourtant, après avoir décroché son baccalauréat en 1981, le futur virologue s’inscrit à l’université de médecine du Sacré-Cœur à Rome. Ce qui ne lui fait pas oublier la musique, sa plus grande passion, dit-il, après la science. Entre deux cours, il suit les péripéties des joueurs de la Lazio, son équipe de football préférée. Il paraît d’ailleurs qu’il ne rate jamais un match.
Après s’être diplômé, le jeune Roberto se spécialise en sciences microbiologiques et virologie. Mais il se sent à l’étroit en Italie et veut faire partie des meilleurs. Aussi, il s’envole pour les États-Unis et s’inscrit d’abord au Wistar Institute à l’université de la Pennsylvanie puis à l’université de San Diego en Californie où il fréquente assidûment les cours d’immunologie du Pr. Dennis R. Burton. En 1995, c’est la fin de la période américaine et la future vedette des plateaux de télévision italiens décide de revenir au pays après avoir décroché un contrat de chercheur universitaire. La carrière de Roberto Burioni vient tout juste de commencer.
Il pose ses valises à Milan
Après un séjour de quatre ans à la faculté des sciences de l’université d’Ancône au titre de professeur de virologie, il est recruté par la prestigieuse université Vita-Salute San Raffaele à Milan où il décide d’ailleurs de poser ses valises. Aujourd’hui, « l’extraterrestre reptilien » comme l’ont rebaptisé une partie de ses détracteurs, dirige le laboratoire de recherches en immunologie qui a pour objectif, l’étude de la réponse immune, la mise au point de traitements médicaux basés sur les anticorps monoclonaux humains, le diagnostic précoce des maladies infectieuses via l’utilisation d’instruments pour la biologie moléculaire.
Entre deux dîners en famille avec sa femme, une avocate spécialisée dans le droit de la finance et sa fille qui vient tout juste de souffler sa dixième bougie, le Pr. Burioni arpente les plateaux de télévision où les discussions avec ses interlocuteurs, tournent souvent au vinaigre. Car le prof qui s’enflamme rapidement, ne mâche pas ses mots. Toute l’Italie se souvient encore de sa dispute en direct en 2016 avec un opposant à la vaccination et une actrice du petit écran. « La terre est ronde, l’essence prend feu et les vaccins sont sûrs et efficaces, tout le reste n’est que mensonges et c’est dangereux ! » s’agace le Pr. Burioni devant des millions de téléspectateurs pour mettre un terme à un débat qu’il qualifie d’inutile et surtout, dépourvu d’évidences scientifiques. Il enfoncera ensuite le clou sur sa page Facebook en demandant comment la Rai, le service public, peut inviter des représentants de la sphère anti-vaccination. Cette bagarre mémorable lui vaut un portrait élogieux dans la revue scientifique américaine Sciencemag.
Aujourd’hui, les nouveaux ennemis du Pr. Burioni s’appellent Joe Biden et l’OMS qu’il accuse d’être influencée par la Chine. « Comment cette organisation a-t-elle pu homologuer le vaccin chinois Sinovac–Coronavac sans avoir analysé les données scientifiques, ce qui est impossible puisqu’aucune étude n'a été publiée et que ces données n’ont pas été mises formellement à disposition de la communauté scientifique internationale, notamment en ce qui concerne la sécurité et l’efficacité de cette prophylaxie ? » s’agace le Pr. Burioni. Quant au président américain, il lui reproche de proposer l’abolition des brevets tout en interdisant en parallèle, l’exportation de vaccins produits aux États-Unis même ceux qui ne seront pas utilisés. « Un peu plus de cohérence que diable ! » a tweeté le virologue d’une main rageuse.
Propulsé au rang de star scientifique par les médias qui se bousculent pour l’inviter, Roberto Burioni fait aussi partie des cinq grands influenceurs scientifiques italiens, à en croire le magazine Forbes. Selon la presse italienne, il table sur le soutien inconditionnel des 500 000 internautes qui visitent chaque mois sa page Facebook, relaient ses tweets et épluchent son site dédié à la vérification des faits dans le milieu scientifique qu’il a lancé en 2018.
Cofondateur de l’association un pacte pour la science (Patto per la scienza), Roberto Burioni a également publié une dizaine d’ouvrages, dont plusieurs best-sellers aux titres savoureux comme « Le complot des ânes » (la congiura dei somari) ou encore « mensonges mortels. Mieux vaut vivre avec la science que mourir avec les charlatans » (balle mortali. Meglio vivere con la scienza che morire coi ciarlatani). Son dernier ouvrage sorti durant la pandémie, « Virus, le grand défi- du coronavirus à la peste : comment la science peut sauver l’humanité » (Virus, la grande sfida- dal coronavirus alla peste : come la scienza può salvare l’umanità), fait partie des titres têtes d’affiche en librairie. Les profits seront reversés à la recherche sur le coronavirus.
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