« C'est un jour historique ! » Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, n'a pas caché sa joie, au moment où le groupe consultatif d'experts sur l'immunisation (Sage) et le groupe consultatif sur les politiques contre le paludisme (MPAG) ont publié leurs premières recommandations pour l'utilisation du premier vaccin contre le paludisme, le RTS, S/AS01 (Mosquirix) développé par le laboratoire GSK en partenariat avec l'ONG américaine Path.
Le Sage et le MPAG proposent que tous les enfants de 5 mois et plus, vivant dans les régions où le Plasmodium falciparum circule de façon intense ou modérée, soient vaccinés, via un schéma vaccinal à quatre doses. Alors que trois injections pourraient suffire selon les données rapportées par les experts, les recommandations pourraient être réévaluées à l'avenir.
Pour Tedros, qui a commencé sa carrière comme chercheur dans le domaine du paludisme, « ce vaccin ne remplace pas les autres mesures de protection comme les moustiquaires, explique-t-il. Mais c'est un outil supplémentaire qui sauvera de nombreux enfants ». L'objectif de l'OMS est de s'assurer que 90 % des enfants bénéficient d'au moins un moyen de protection.
Déjà 800 000 enfants vaccinés
Le Mosquirix est actuellement employé dans un programme pilote de vaccination commencé en 2019 au Ghana, au Kenya et au Malawi, où 800 000 enfants ont reçu au moins une injection vaccinale. Au total, environ 2,3 millions de doses ont déjà été administrées. Il s'agit du vaccin contre le paludisme le plus efficace à ce jour. Selon le Dr Pedro Alonso, directeur de programme global contre le paludisme de l'OMS, « les données de phase 3 recoupent celles qui remontent des régions où la vaccination a déjà été mise en place. Elles indiquent une réduction de 30 % des hospitalisations pour paludisme sévère. C'est un résultat très significatif compte tenu de la morbidité dans ces régions ». Le vaccin réduirait de 40 % l'incidence du paludisme au sein des populations vaccinées.
Un autre candidat vaccin pourrait aussi attirer l'attention du Sage et du MPAG. En avril 2021, les chercheurs de l'université d'Oxford et de l'Institut de recherche en science de santé de Nanoro (Burkina Faso) ont publié dans « The Lancet » les données d'efficacité à un an d'un autre candidat vaccin - le R21 basé sur la protéine circumsporozoïte - chez 450 enfants âgés de 5 à 17 mois.
Au bout de 6 mois dans cette étude à trois bras, 29,5 % des enfants qui avaient reçu une faible dose d'adjuvant et 26 % du groupe à forte dose ont développé des manifestations cliniques du paludisme, par rapport à 71,4 % des enfants du groupe contrôle. L'efficacité du vaccin est donc de 74 et 77 % respectivement dans les groupes à forte et à faible dose d'adjuvant.
Relancer la lutte
Ce nouveau vaccin sera examiné par les experts de l'OMS « quand il arrivera dans le stade final de son développement clinique », commente auprès du « Quotidien » le Dr Alexandro Ravioto, membre du Sage. « L'antigène ciblé par le R21 est le même que celui ciblé par le Mosquirix, ajoute pour sa part le Dr Kate O’Brien, qui dirige à l'OMS le département d'immunisation, des vaccins et des produits biologiques. Nous espérons que nos recommandations vont stimuler la recherche de nouveaux vaccins ciblant d'autres protéines. Nous en avons besoin, compte tenu de la complexité du parasite ». À ce sujet, BioNTech travaille également à un vaccin ARN contre le paludisme.
L'agence va maintenant travailler avec les autorités des pays touchés par l'épidémie de paludisme pour accélérer les autorisations de mise sur le marché. « Ce vaccin arrive au bon moment, car les progrès de la lutte contre le paludisme ont marqué le pas ces dernières années et nous avions besoin de nouveaux outils », analyse le Dr Kate O’Brien. L'organisation va également entamer des démarches pour faire produire le vaccin dans les pays africains et asiatiques concernés par l'épidémie.
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