Essentiellement la nuit
M. C consulte pour des lésions prurigineuses interdigitales (essentiellement nocturnes). Il raconte avoir développé ces manifestations un mois auparavant en prison ; son compagnon de cellule avait le même souci. Un traitement par antihistaminique avait été prescrit du fait d’une réaction éventuelle aux blattes.
Cependant, à son retour à la vie civile son problème demeure, et son colocataire indemne de toute manifestation, avant son contact, commence à avoir des démangeaisons.
L’examen d’une de ses mains objective des lésions eczématiformes et excoriées (cf. cliché 1).
Compte tenu de l’importante contagiosité de cette pathologie, de sa localisation interdigitale, et du milieu dans lequel le patient a évolué, le diagnostic de gale est posé.
Épidémiologie
L’agent de cette pathologie est un acarien Sarcoptes Scabiei, parasite dont le développement nécessite la présence de l’homme. La femelle fécondée creuse des sillons dans la couche cornée pour y déposer des œufs. Les larves éclosent au bout de 3 à 4 jours, et deviennent matures en 10 jours.
La transmission par contact humain est la plus fréquente ; la promiscuité favorise donc la maladie.
La transmission indirecte par la literie, les vêtements et les autres objets en contact avec un sujet contaminé est possible.
Une étude menée par l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) à partir de données collectées de 2005 à 2009 observe une augmentation de la consommation de produits scabicides et une augmentation de l’incidence de cette pathologie (entre 337 et 352 cas touchés pour 1 000 habitants).
Caractéristiques cliniques
Après une incubation silencieuse de 2 à 3 semaines, des lésions cutanées apparaissent sous la forme de sillons (lignes ondulées sombres de quelques mm à un centimètre avec une vésicule perlée à une extrémité). Ces lésions sont préférentiellement retrouvées au niveau des espaces interdigitaux, des plis des poignets et des coudes, des aisselles, au niveau du thorax, ainsi que sur la verge ou le mamelon. Un prurit, très intense et nocturne, accompagne en général ces manifestations.
À côté de cette description « académique », d’autres aspects cliniques peuvent être décrits comme une forme discrète de gale chez des sujets sans problème d’hygiène, la gale noduleuse secondaire à des réactions immunologiques, la gale croûteuse norvégienne qui témoigne d’une prolifération massive du sarcopte (retrouvée chez l’immunodéprimé).
Des formes vésiculaires palmoplantaires sont couramment décrites chez les enfants.
Chez les personnes âgées, des éruptions papuleuses ou vésiculeuses sont parfois imputées à tort à une pemphigoïde bulleuse.
Dans certains cas, il est possible de rencontrer des formes surinfectées croûteuses ; elles sont souvent secondaires au prurit intense.
Le diagnostic
Il repose avant tout sur la clinique. La notion de prurit, la localisation des lésions, mais également la présence d’une symptomatologie similaire chez un proche restent les clefs du diagnostic.
L’examen parasitologique reste réservé aux formes très atypiques.
Traitement
À titre préventif, il est nécessaire pour éviter toute contamination, de désinfecter le linge, et la totalité des effets du patient atteint (pantoufles, et chaussettes comprises) à plus de 60°.
Pour les vêtements plus délicats, ou pour les surfaces susceptibles d’être parasitées, et ne pouvant être passées en machine, il est possible d’avoir recours à la désinfection dans un sac plastique que l’on ferme précautionneusement durant 2 à 4 jours. En y ajoutant, comme pour la literie, des désinfectants antiparasitaires comme A-PAR.
Au sein d’une collectivité, il est conseillé d’isoler durant 48 heures le sujet contaminé.
On recommande également de traiter l’entourage proche du patient.
Deux types de traitements existent :
- les traitements locaux : le benzoate de benzyle (Ascabiol) que l’on badigeonne sur le corps entier y compris sur le cuir chevelu en évitant tout contact avec les muqueuses et les yeux. L’Ascabiol doit rester appliqué (sans rinçage) durant 24 heures chez les adultes et 12 heures chez les enfants et les femmes enceintes. Les scabicides locaux ne sont pas remboursés, tout comme les poudres antiparasitaires pour les vêtements ;
- les traitements généraux : l’ivermectine (Stromectol) est très utile dans les cas de résistance aux traitements locaux, d’épidémie, mais aussi chez les patients ayant peu de revenus (ce traitement est le seul à être pris en charge par la Sécurité Sociale).
Conclusion
Comme l’a souligné l’InVS, il existe de nombreuses difficultés dans la prise en charge de cette pathologie.
Outre la difficulté diagnostique (qui reste avant tout clinique et peut de ce fait pêcher par excès ou défaut), se pose la question de la prise en charge des populations défavorisées qui refusent toute prise en charge.
Par ailleurs, de nombreuses DDASS ont mis en exergue la difficulté qu’ont certaines familles à accéder aux traitements de cette parasitose, entre autres, du fait de son coût.
Aussi, pour éviter un développement exponentiel de cette pathologie, il reste essentiel pour l’ensemble des professionnels de santé de penser à ce diagnostic, et d’assurer le meilleur traitement du patient en fonction de ses revenus.
Bibliographie
1. Fattorusso V, Ritter O. Vademecum clinique. Du diagnostic au traitement. Ed. Masson 2006.
2. Rassner G. Dermatologie Manuel et atlas. Ed. Maloine 2006.
3. La gale est-elle en augmentation en France ? http://www.invs.sante.fr
4. Reconnaître et traiter la gale en 2002. La Revue Prescrire 2002 ; 22 ( n°229) : 450-455.
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