Alors que certains patients vivant avec le VIH sont capables de contrôler durablement le virus à l'arrêt des antirétroviraux après avoir bénéficié d'un traitement précoce pendant plusieurs années, une étude française (Institut Pasteur/Inserm/AP-HP, avec le soutien de l’ANRS-MIE) apporte de nouveaux éléments pour comprendre les mécanismes en jeu. Dans « Cell Host & Microbe », les chercheurs mettent en lumière le rôle des anticorps neutralisants, et en particulier de ceux à large spectre.
Les premiers patients capables de contrôler l'infection post-traitement ont été identifiés il y a plusieurs années, notamment dans le cadre de l'étude Visconti parue en 2013, qui constitue aujourd'hui la plus grande cohorte de ces patients.
« En étudiant la réponse immunitaire des personnes contrôleuses post-traitement en 2020, nous avions fait un premier grand pas en démontrant la mise en place chez certains de ces individus d’une réponse immunitaire efficace et robuste contre le virus qui pourrait contribuer à ce contrôle », explique Asier Saéz-Cirión de l'Institut Pasteur dans un communiqué. Ici, les chercheurs sont allés plus loin en étudiant le rôle des anticorps chez un patient issu de la cohorte Visconti, présentant un taux très élevé d’anticorps neutralisants à large spectre.
Une coopération entre différents types d'anticorps neutralisants
« Notre étude a permis d’identifier pour la première fois une famille d’anticorps neutralisants à large spectre (Broadly Neutralizing Antibodies, bNAbs), dont l’anticorps EPTC112 est l'un des représentants les plus actifs », détaille Hugo Mouquet de l’Institut Pasteur, qui a dirigé l'étude, précisant que l'EPTC112 cible la protéine d’enveloppe du VIH-1. Cet anticorps est capable de neutraliser environ un tiers des 200 variants du VIH-1 in vitro et de jouer un rôle dans l’élimination de cellules infectées en présence des cellules Natural Killer (NK).
Cependant, le virus circulant chez le patient étudié résiste à cet anticorps car celui-ci cible une région qui est mutée dans le virus. Mais d'autres anticorps de type IgG interviennent pour le neutraliser efficacement. « L’étude suggère que les anticorps neutralisants EPTC112 imposent une pression de sélection sur le virus du VIH-1. Bien qu’échappant à l’action de ces bNAbs, le virus reste sensible à la neutralisation par d’autres anticorps anti-VIH-1 produits chez cette personne, est-il expliqué dans le communiqué. Cette observation témoigne ainsi d’une forme de coopération entre les différentes populations d’anticorps neutralisants. »
Les chercheurs souhaitent désormais étudier les réponses anticorps chez d'autres patients contrôleurs post-traitement pour voir si celles-ci jouent aussi un rôle dans la rémission.
Un essai de phase 2 d'ici à la fin de l'année
La mise en évidence du rôle clé des anticorps neutralisants à large spectre dans la rémission sans traitement antirétroviral ouvre la voie à de nouvelles approches thérapeutiques. Ainsi, un essai clinique de phase 2 devrait être lancé en France avant la fin de l'année par le consortium ANRS Rhiviera, en partenariat avec l’Institut Pasteur, l’AP-HP, l’Inserm et l’université Rockefeller de New York.
Au total, 69 patients devraient être inclus. Ils recevront d'abord l'antirétroviral en primo-infection sur une courte période avant de se voir administrer un traitement à base de deux anticorps neutralisants ciblant deux domaines différents de la protéine d’enveloppe du virus.
« Après un an de suivi rapproché et sur la base de critères précis, le traitement pourra être stoppé. Cet essai va nous permettre de déterminer si cette stratégie thérapeutique est capable d’induire une réponse immunitaire suffisante pour contrôler l’infection après l’arrêt du traitement antirétroviral », indique Hugo Mouquet.
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