Malgré deux doses de vaccin à ARNm contre le Covid-19, des patients infectés par le Sars-CoV-2 développent des formes sévères de la maladie. Pour expliquer les mécanismes à l’œuvre, les chercheurs du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses*, dirigé par le Pr Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, avancent l’hypothèse d’un déficit immunologique.
Publiée dans « Science Immunology », leur étude s’inscrit dans la suite de précédentes recherches qui avaient mis en évidence des anomalies génétiques (5 % des cas) et immunologiques (14 % des cas) entravant l’immunité contrôlée par les interférons de type 1 (IFN 1), un groupe de 17 protéines qui produit la première barrière immunologique contre les virus. Ces anomalies seraient donc à l’origine d’environ 20 % des pneumopathies graves liées au Covid. Quand elles sont immunologiques, ces anomalies sont associées à la présence d’auto-anticorps dirigés contre les IFN 1, bloquant leur action antivirale.
Des auto-anticorps anti-IFN 1 en augmentation avec l’âge
Cette découverte, publiée en octobre 2020, a été ensuite été confirmée par d’autres travaux mettant au jour des variants génétiques très rares liés aux IFN 1, également associés à des formes graves de Covid. Par ailleurs, la présence d’auto-anticorps dirigés contre les IFN 1, très rare avant 65 ans (0,2 à 0,5 %), augmente en vieillissant : de 4 % entre 70 et 79 ans à 7 % entre 80 et 85 ans. Cette évolution explique en partie pourquoi l’âge est un facteur de risque majeur des formes graves de Covid-19.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs se sont penchés sur les cas de formes graves, hospitalisés après une infection par le variant Delta, malgré un schéma complet avec un vaccin à ARNm. Ils ont ainsi recruté 48 patients âgés de 20 à 86 ans ayant développé une forme sévère à critique après une infection survenue de deux semaines à quatre mois après la vaccination par ARNm.
La première étape a consisté à mesurer le taux d'anticorps dirigés contre le Sars-CoV-2 de ces patients pour s’assurer de leur bonne réaction à la vaccination. Six patients avec une réponse vaccinale « défectueuse », liée à une infection par le VIH, à la présence de lymphome ou encore à la prise de traitements immunosuppresseurs, ont été exclus de l’analyse.
Des formes graves mais pas de décès
Les chercheurs ont ensuite recherché, chez les 42 participants restants, la présence d’auto-anticorps anti-IFN-1. Ils en ont trouvé chez dix (24 %) de ces sujets (âgés de 43 à 86 ans). En population générale, des auto-anticorps anti-IFN-1 ont été détectés chez 20 % des cas de patients décédés non vaccinés. Mais, parmi les sujets de l’étude, aucun décès n’a été enregistré, suggérant une efficacité de la vaccination sur la mortalité, malgré le développement d’une forme sévère.
Des études moléculaires approfondies ont ensuite permis aux chercheurs d’identifier les sous-types d’auto-anticorps concernés, soit principalement des auto-anticorps anti-alpha2 et/ou anti-oméga. « Huit de ces dix patients avaient des auto-anticorps neutralisant à la fois les IFN-alpha2 et les IFN-oméga, tandis que deux neutralisaient les IFN-oméga uniquement. Aucun patient n'a neutralisé les IFN-bêta », détaillent les auteurs, soulignant que l'intensité des réponses peut différer selon les variants.
Ces résultats pourraient permettre d’adapter les stratégies de prévention et de prise en charge de ces patients. Les auteurs recommandent ainsi de tester la présence des auto-anticorps anti-IFN-1 chez les patients vaccinés hospitalisés après une infection.
*Le laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses est basé à Paris (Institut Imagine/Université de Paris/Inserm) et à New York (Howard Hughes Medical Institute, Université Rockefeller).
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