Pas si simple de désigner les publics prioritaires à la vaccination Covid dans un contexte d'approvisionnement progressif des doses vaccinales. Si la Haute Autorité de santé (HAS) a publié le 30 novembre une stratégie en cinq phases, la mise en application s'annonce compliquée. C'est ainsi que la HAS répond point par point à une saisine de la Direction générale de la santé (DGS) aux prises avec les contraintes pratiques. Quitte parfois à renvoyer cette dernière dans ses buts.
Pour la DGS, « la priorisation en fonction de l’âge versus les comorbidités n’est pas toujours très claire ». Et, alors que la phase 1 cible les sujets âgés hébergés en collectivité, de poser une question bien dérangeante : « Compte tenu des données disponibles dans les essais de phase 3 pour les plus âgés, cet ordre de priorisation est-il susceptible d’être modifié ? »
L’âge priorisé sur les comorbidités
La HAS botte en touche en indiquant qu'elle se prononcera une fois l’AMM délivrée « afin de juger si le vaccin étudié s’inscrit dans la stratégie définie ou s’il est nécessaire de l’adapter », ce qui est attendu d’ici à la fin de l’année pour le vaccin de Pfizer BioNTech (l'Agence européenne du médicament doit examiner le dossier le 21 décembre) et au plus tard début d’année 2021 pour celui de Moderna. À l'étranger, les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore le Canada, qui ont déjà autorisé le vaccin Pfizer, ont priorisé les personnes âgées.
La HAS rappelle ainsi que « l'âge est le facteur le plus fortement associé au risque d’hospitalisation ou de décès dans toutes les études ; les comorbidités ont une influence moindre ». Concernant la phase 1 qui cible les sujets âgés présentant une exposition accrue au virus du fait d'un hébergement en collectivité, la Haute Autorité précise ainsi : « les établissements considérés sont donc ceux accueillant des résidents âgés de façon prolongée et ne se limitent pas aux seuls EHPAD ou unités de soins de longue durée, mais également aux EHPA non médicalisés, aux résidences autonomie ou foyers-logements, etc. ».
À ce sujet, les SSR n’ont pas été retenus en phase 1, « compte tenu d’un risque moindre d’exposition à la Covid-19 : durée moindre de séjour (en moyenne 5-6 semaines) avec moins de vie en collectivité (type salle commune pour prendre les repas, etc.) », répond la HAS.
Un cas particulier est pointé par la DGS pour des sujets qu'elle indique « à très haut risque de formes graves de Covid quel que soit l'âge » et qui pourraient être ciblés dès la phase 1 : les patients souffrant de déficits génétiques de production d’interféron ou ayant développé des anticorps anti-interféron.
Déficit génétique, trisomie 21 et grossesse
Pour ces sous-populations, mais aussi de façon plus large pour les patients ayant des déficits immunitaires sévères, hémopathies malignes, insuffisants rénaux dialysés, la HAS indique que « les médecins (...) pourront au cas par cas proposer la vaccination aux patients pour lesquels les risques liés au Covid-19 apparaissent majeurs, dès lors que les doses de vaccins seront disponibles et que la DGS sera en mesure d’organiser localement les circuits logistiques en lien avec les ARS et les structures de soins ».
À la DGS qui la relançait sur la trisomie 21, la HAS répond que l'anomalie chromosomique est bien à considérer comme une comorbidité, au même titre que les autres inscrites sur cette même liste (obésité, BPCO et insuffisance respiratoire, HTA compliquée, insuffisance cardiaque, diabète de types 1 et 2, insuffisance rénale chronique, cancers récents de moins de trois ans, transplantation d’organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques).
Pour les femmes enceintes, la HAS ne les a pas incluses dans les populations à vacciner en priorité en raison de l’absence de données sur cette population « exclue des essais cliniques ». Une décision conforme à ce qui est fait à l'étranger, est-il souligné par la Haute Autorité.
« Des mesures extrêmement complexes »
Concernant les professionnels de santé, la HAS est questionnée sur la priorisation en fonction du lieu d’exercice et des comorbidités de la personne (priorité 1) ou en fonction de son âge et de ses comorbidités (priorité 2). Pour la DGS, ces propositions paraissent « extrêmement complexes à mettre en œuvre », dans la mesure où cela nécessite « de devoir disposer de données d’ordre médical » et pourrait « poser des problèmes pratiques en termes d’organisation de la vaccination dès lors qu’il est envisagé de vacciner des professionnels de santé exerçant dans un même lieu dans des séquences temporelles différentes ».
À cela la HAS répond avoir mené sa réflexion en fonction du risque de développer une forme grave tout en indiquant : « Dans l’hypothèse où il resterait des doses disponibles à l’issue de la vaccination des résidents et des professionnels priorisés en phase 1 dans les établissements accueillant des personnes âgées, les autres professionnels exerçant dans ces établissements pourraient alors être vaccinés s’ils le souhaitent, selon la priorisation envisagée dans les phases ultérieures. »
Quid des établissements à risque de cluster
Autre point épineux, les prisons et établissements sociaux d’hébergement, à risque de cluster mais ciblés en phase 4. « Ne faut-il pas les vacciner plus précocement ? », interroge la DGS, ce d'autant « qu'une partie d’entre eux peuvent être concernés par les phases précédentes ». Là encore, la HAS rappelle avoir travaillé à réduire l'impact sur la morbimortalité. Quant à la « stratégie de l'aller vers », la Haute Autorité indique que dans les phases ultérieures des équipes mobiles pourraient être affectées à des publics particuliers. Et d'ajouter à propos du risque de clusters : « Si les vaccins démontraient une efficacité sur la transmission, la stratégie de vaccination serait bien évidemment actualisée. »
Pour les sujets déjà infectés par le SARS-CoV-2, la HAS estime à ce stade « qu’il n’y a pas lieu de vacciner systématiquement les personnes ayant déjà développé une forme symptomatique de la Covid-19 ». Compte tenu de l'absence d'effet indésirable grave, « ces personnes doivent pouvoir être vaccinées si elles le souhaitent », lit-on, en respectant un délai minimal de 3 mois à partir du début des symptômes. La HAS recommande ainsi de ne pas réaliser de sérologie avant vaccination et de pas tenir compte d’une éventuelle sérologie positive ou négative pour décider de la vaccination.
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