Suivi du patient VIH en ville

Par
Publié le 18/06/2021
Article réservé aux abonnés
Les hospitaliers encouragent le suivi des patients VIH par leur médecin traitant, notamment pour l’observance du traitement antirétroviral et la prise en charge des comorbidités liées à l’âge ou aux facteurs de risque personnels. Des recommandations ont été élaborées en octobre 2018 pour guider le médecin généraliste.
Des patients « ordinaires » et non « exceptionnels »

Des patients « ordinaires » et non « exceptionnels »
Crédit photo : Phanie

La prise en charge du VIH est à dédramatiser : elle peut se faire en ville dans le cadre d’un suivi partagé et coordonné avec l’hôpital (1)Les schémas thérapeutiques sont, depuis quelques décennies, plus simples, plus faciles à surveiller et moins toxiques. L’espérance de vie des patients vivant avec le VIH (PVVIH), désormais entre 75 et 80 ans, est proche de celle de la population générale.

Les personnes vivant avec le VIH sont à considérer comme des patients « ordinaires » et non « exceptionnels ». Certaines pathologies peuvent néanmoins apparaître plus précocement en raison du contexte à risque lié au VIH (environnement socio-économique, pratiques/addictions, traitements antérieurs par antiprotéases, interactions médicamenteuses, etc.).

Les questions à se poser

1. Le patient adhère-t-il parfaitement au traitement antirétroviral (observance) et à la prise en charge VIH dans son ensemble ? Quel lien a-t-il avec les infectiologues hospitaliers ?

2. Y a-t-il des comorbidités ou des facteurs de risque ?

3. Pour les femmes, y a-t-il un projet de grossesse ?

4. Qu’en est-il de la santé sexuelle ?

Ce qu'il faut faire

Bilan général d'un PVVIH : observance du traitement antirétroviral ; état nutritionnel (suivi de l’indice de masse corporelle, compléments alimentaires éventuels pouvant interagir avec les antirétroviraux) ; consommation d'alcool, de tabac ou de substances psycho-actives ; santé sexuelle (partenaire unique ou pas, pratiques sexuelles, chem sex, etc.).

Statut vaccinal : vérifier les vaccins universels à partir des calendriers recommandés pour les PVVIH ; encourager les vaccinations antipneumococciques, anti-VHA et anti-VHB ; penser au vaccin anti-HPV selon les recommandations de la Haute Autorité de santé.

Statut hépatite C : si sérologie négative, proposer une surveillance régulière tous les trois à six mois si nécessaire en fonction des pratiques ; si sérologie positive, le traitement de l’hépatite C doit être initié par l’infectiologue hospitalier et le suivi est réalisé par le médecin traitant.

Dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) − gonococcie, syphilis, infection à Chlamydia − tous les trois à six mois notamment si plusieurs partenaires. Le traitement est aussi du ressort du médecin traitant.

Bilan des comorbidités : pathologies cardiovasculaires, diabète, bronchopneumopathie chronique obstructive, atteintes rénales, cancers, lymphomes, ostéoporose ; bilan et exploration en ville et référence à l'infectiologue si nécessité de réévaluer le traitement antirétroviral.

Pour les femmes : contraception avec adaptation du traitement antirétroviral en fonction du risque d’interaction médicamenteuse ; grossesse à risque (toxicité fœtale, transmission mère-enfant) avec nécessité de modifier le traitement antirétroviral (certaines molécules sont contre-indiquées) et suivi thérapeutique par le spécialiste hospitalier (infectiologue).

Informer sur le risque de contamination : une charge virale indétectable depuis plus de six mois signifie que le patient n’est pas contaminant et ne peut donc transmettre la maladie sous réserve d’une bonne observance du traitement. Pendant l’intervalle zéro à six mois sous traitement antirétroviral, il n’est pas « non contaminant » donc il est à risque de transmission du VIH. Sur la prophylaxie pré-exposition (PrEP) : c’est une alternative intéressante pour le conjoint ou le partenaire unique (tant que la charge virale du patient reste « non indétectable ») car elle protège du risque d’infection par le VIH. Sur les IST : toujours rappeler que les traitements antirétroviraux (y inclus la PrEP) ne protègent pas des IST ; promouvoir l’utilisation des préservatifs.

Savoir référer aux spécialistes hospitaliers : une fois par an si charge virale indétectable et observance absolue du traitement ; et si nécessité de changer ou d’adapter le traitement (mauvaise tolérance, charge virale détectable ou pathologies associées sévères). Les médecins généralistes ne sont pas autorisés, sur le plan réglementaire, à initier ou modifier les antirétroviraux, mais ils peuvent renouveler le traitement.

À noter que depuis le 1er juin 2021, la PrEP peut être initiée en ville, et non plus par les seuls hospitaliers. La décision était très attendue par la profession.

Ce qu'il faut retenir

1. Le lien avec l’équipe hospitalière qui suit le patient sur le plan VIH est capital.

2. La problématique du patient VIH bien traité tient aux comorbidités liées à l’âge ou aux facteurs personnels.

3. La santé sexuelle reste trop souvent le grand oublié de l’entretien.

D’après un entretien avec le Dr Pierre Demoor, médecin généraliste, CeGIDD, hôpital Bichat–Claude-Bernard (Paris)
(1) Fiche synthèse de la Haute Autorité de santé, octobre 2018 
(2) www.hiv-druginteractions.org

Dr Isabelle Stroebel

Source : Le Quotidien du médecin