Depuis plusieurs années, la compréhension de la vulnérabilité à l’infection par la tuberculose et sa sévérité s’améliore avec la découverte de variations génétiques influençant le risque d’être infecté. Une équipe internationale a franchi un pas supplémentaire en mettant en évidence une mutation rare rendant ses porteurs plus susceptibles de contracter la tuberculose, mais pas d’autres maladies infectieuses.
Si le lien entre la déficience acquise d’une cytokine pro-inflammatoire appelée TNF et le risque accru de développer la tuberculose est connu, les chercheurs ont mis au jour une cause génétique du déficit en TNF, ainsi que le mécanisme sous-jacent. Publié dans Nature, ce travail a été mené par le laboratoire de Génétique humaine des maladies infectieuses de l’Institut Imagine (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité), l’Université Rockefeller et le laboratoire des Erreurs innées de l’immunité de l’Université d’Antioquia (Colombie, Amérique du Sud).
Sous la direction de la Dr Stéphanie Boisson-Dupuis, les chercheurs se sont penchés sur les cas de deux patientes colombiennes : une femme de 28 ans et sa cousine de 32 ans. Atteintes de tuberculose pulmonaire récurrente, elles « sont homozygotes pour une variation spécifique (aux cousines) du gène TNF à perte de fonction, décrivent les auteurs. Aucune des deux n'a d'autre phénotype clinique et toutes deux développent des réponses inflammatoires cliniques et biologiques normales ».
Hospitalisées à plusieurs reprises, elles répondaient bien, dans un premier temps, aux antibiotiques antituberculeux, mais finissaient par tomber de nouveau malades. Pour comprendre pourquoi, les chercheurs ont séquencé leur exome entier et mené une analyse génétique de leurs parents. Les patientes étaient les deux seuls membres de leur famille élargie à présenter une mutation du gène TNF, qui code la protéine du même nom.
Une poussée respiratoire régulée par le TNF
Cette protéine TNF est sécrétée par les macrophages. Une déficience de la cytokine empêche la production de réactifs dérivés de l'oxygène (ROS, ou Reactive Oxygen Species). Ces molécules ROS sont générées par la poussée respiratoire et éliminent les pathogènes internalisés par les macrophages. L’équipe a découvert que, chez les deux patientes colombiennes, le gène TNF n’a pas fonctionné, empêchant la poussée respiratoire de se produire et donc la création de molécules ROS.
« Nous savions que la poussée respiratoire était importante pour protéger les personnes contre divers types de mycobactéries, mais nous savons maintenant que le TNF régule en fait le processus, explique la Dr Stéphanie Boisson-Dupuis, dernière autrice, dans un communiqué. Et lorsqu’il manque dans les macrophages alvéolaires, les personnes sont susceptibles de contracter la tuberculose aéroportée. »
Elle ajoute : « Il est très surprenant que les personnes que nous avons étudiées soient des adultes qui n’ont jamais été malades d’autres maladies infectieuses, bien qu’elles aient été exposées à plusieurs reprises aux microbes. Elles présentent apparemment un risque sélectif de tuberculose. »
Cette étude permet également de comprendre la vulnérabilité à l’infection des patients traités avec des anti-TNFs. Les données confirment par ailleurs que l’activité de la cytokine est indispensable au niveau pulmonaire, ce qui pourrait conforter la piste de traitement pro-TNF sous forme d’aérosols, pour apporter directement aux poumons le médicament nécessaire.
De nouvelles pistes thérapeutiques
Ces résultats vont aussi certainement conduire à une réévaluation du rôle du TNF dans la fonction immunitaire. « Le TNF est nécessaire à l’immunité contre Mycobacterium tuberculosis, mais il semble être redondant pour l’immunité contre de nombreux autres agents pathogènes, observe le Pr Jean-Laurent Casanova, qui dirige le laboratoire de Génétique humaine des maladies infectieuses de l’Institut Imagine. La question est donc de savoir quelles autres cytokines pro-inflammatoires font le travail que nous pensions que le TNF faisait. Si nous parvenons à le découvrir, nous pourrons peut-être bloquer ces cytokines plutôt que le TNF pour traiter les maladies dans lesquelles l’inflammation joue un rôle. »
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