Dans une communication diffusée ce lundi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé trois nouveaux schémas thérapeutiques pour soigner la tuberculose multirésistante ou résistante à la rifampicine (MDR/RR-TB). Cette évolution des recommandations a été saluée par Médecins sans frontières comme une « avancée majeure dans la lutte contre la tuberculose multirésistante dans le monde ».
De quoi s'agit-il ?
L'OMS recommande désormais trois nouveaux schémas thérapeutiques. Le premier est une association de bédaquiline, délamanide et linézolide en combinaison avec de la lévofloxacine ou de la clofazimine (BDLLfxZ) pendant neuf mois. Ce traitement peut être débuté sans attendre les résultats d'éventuels tests de sensibilité aux fluoroquinolones. Si l’infection n’est pas résistante aux fluoroquinolones, la lévofloxacine doit être poursuivie et la clofazimine arrêtée. Si le test de sensibilité est négatif, en revanche, c’est l’inverse, la lévofloxacine doit être arrêtée et la clofazimine poursuivie.
S'il n'est pas possible de réaliser un tel test, les deux molécules doivent continuer à être administrées conjointement. Les deux autres schémas sont le BLLfxCZ (bédaquiline, linézolide, lévofloxacine, clofazimine et pyrazinamide) et le BLMZ (bédaquiline, linézolide, moxifloxacine et zinamide).
Les recommandations OMS pour la tuberculose résistante ont connu des évolutions récentes : depuis 2022, l'agence onusienne préconise un régime oral de six mois connu sous le nom de « BPaLM » (bédaquiline, prétomanide, linézolide, moxifloxacine), à la suite des résultats de l'essai clinique TB-Practecal.
Pourquoi ces recommandations sont-elles importantes ?
Sur les 10 millions de nouveaux cas recensés chaque année, 410 000 sont infectés par des bactéries multirésistantes ou résistantes à la rifampicine, dont seulement 175 650 bénéficient d'un des traitements de seconde ligne préconisés dans les recommandations internationales. Ces schémas ont en effet le désavantage d’être longs (12 à 24 mois), difficiles à administrer et non dénués d'effets indésirables.
Depuis quelques années, l’arrivée de nouvelles molécules, comme la bédaquiline ou le délamanide, et le repositionnement d’autres médicaments, comme la clofazimine ou le linézolide, ont permis de s'éloigner des traitements injectables et de raccourcir les durées de traitement avec des taux de succès qui passent de 50 à 63 %.
Quel niveau de preuve ?
Plusieurs études ont évalué la pertinence de ces nouvelles stratégies thérapeutiques. Mais l’OMS base ses recommandations sur les données de l'étude endTB, menée sur 754 patients par un consortium d'organisations dirigé par Médecins sans frontières (MSF), Partners In Health (PIH) et Interactive Research and Development (IRD), et financée par Unitaid. Les résultats ont été publiés en novembre 2023.
Les trois schémas thérapeutiques y avaient été testés (BLMZ, BLLfxCZ et BDLLfxZ) et se sont révélés plus courts et au moins aussi efficaces (respectivement à 89, 90,4 et 85,2 %) que les traitements conventionnels pour les patients atteints de tuberculose multirésistante. Ainsi, les patients étaient guéris en neuf mois avec des traitements entièrement oraux, alors que la prise en charge classique peut durer jusqu'à 18 mois et inclure des injections quotidiennes douloureuses.
Un quatrième schéma a été identifié comme une alternative pour les patients ne tolérant pas certains médicaments clés comme la bédaquiline ou le linézolide : le DCMZ (délamanide, clofazimide, moxifloxacine, pirazinamide). Pour l’heure, il ne fait pas partie des recommandations de l’OMS.
Si les trois schémas se sont montrés efficaces chez les patients atteints d'une maladie grave ou de diabète, les BLMZ et BLLfxZ semblent particulièrement efficaces chez les patients séropositifs. Pour les patients avec un indice de masse corporelle (IMC) élevé, des schémas plus longs ou comportant plus de médicaments pourraient être préférables.
Le schéma de six mois BPaLM avait, lui, été testé au cours de l'essai clinique Beat-Tuberculosis en Afrique du Sud, et comparé à un groupe contrôle, dont la majorité avait reçu un traitement de 18 mois contenant de la linézolide : l’efficacité était supérieure, l’observance meilleure et le coût plus faible.
Que vont changer ces nouvelles recommandations ?
Ajoutés au régime BPaLM, ces schémas thérapeutiques offrent une nouvelle variété d'alternatives thérapeutiques courtes, simples et potentiellement peu chères (elles s'appuient sur plusieurs médicaments dont le brevet principal a expiré). De plus, alors que les enfants, les adolescents et les femmes enceintes et allaitantes étaient jusqu'ici exclus des nouveaux schémas thérapeutiques, les médecins peuvent désormais proposer ces avancées à presque tous les patients selon l’OMS.
Selon Médecins sans frontières, la disponibilité de ces nouvelles stratégies thérapeutiques dépendra tout de même des laboratoires, à l'image de Viatris, détenteur du brevet du délamanide, dont le prix est jugé « excessivement élevé » par l'ONG.
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