Le Chikungunya (chik) évolue cliniquement en trois phases.
• La phase aiguë, de J1 à J21, se manifeste brutalement par un syndrome algo-fébrile (80 % des cas), avec des arthralgies multiples (95-100 % des cas), une éruption. Il est presque impossible de ne pas évoquer le diagnostic devant un rhumatisme de début si brutal, surtout chez un voyageur qui rentre d’une région tropicale. Des céphalées, des polyadénopathies, un prurit plantaire, des troubles digestifs peuvent être présents. Des formes atypiques hyperalgiques, des manifestations neurologiques ou d’autres complications sont possibles, mais rares (5 % des cas), survenant surtout chez des sujets fragiles (jeunes enfants ou patients avec comorbidités). L’infection d’une femme enceinte en fin de troisième trimestre expose au risque de transmission virale lors de l’accouchement avec infection néonatale une fois sur deux.
En l’absence de traitement antiviral efficace, le traitement à la phase aiguë reste symptomatique pour tous. Adapté à la situation clinique et au terrain médical (groupes à risques), il a pour buts de contrôler la fièvre et la douleur, corriger la déshydratation, traiter les éventuelles défaillances d’organes, limiter le risque iatrogène et le retentissement fonctionnel (1). La première semaine, le patient doit être à l’abri de nouvelles piqûres d’Aedes, car c’est ainsi qu’on limite la diffusion dans l’entourage et l’émergence dans de nouvelles régions, dont la métropole. Le chikungunya d’importation est désormais à déclaration obligatoire.
• Le stade post-aigu (de la 4e semaine à la fin du troisième mois) est marqué par la persistance des douleurs articulaires et tendineuses, avec une incidence accrue chez les femmes âgées de plus de 40 ans d’autant plus qu’elles souffrent déjà d’arthropathies préexistantes. L’absence de traitement anti-inflammatoire, une sollicitation physique excessive inopportune et l’inverse, un repos articulaire complet et prolongé, ont un effet délétère sur la récupération clinique. Ce stade post-aigu peut aussi comporter une asthénie intense et des troubles psychologiques. Le traitement repose d’abord sur les antalgiques, les AINS et la kinésithérapie. Le recours à une corticothérapie systémique, courte et à faibles doses, doit être réservé aux formes polyarticulaires très inflammatoires (1). Ces mesures thérapeutiques doivent être poursuivies des semaines pour permettre une amélioration clinique et même une guérison, mais qui est d’autant plus lente à obtenir si la phase aiguë a été intense.
• Le stade chronique (à partir du 3e mois) consiste en la persistance prolongée de symptômes articulaires précédents. Ces symptômes sont plus marqués chez les patients n’ayant pas reçu un traitement anti-inflammatoire prolongé au stade post-aigu. Il s’agit le plus souvent de troubles musculo-squelettiques (TMS) à type de tendinites ou de ténosynovites multiples (95-98 % des cas). Comme les douleurs portent surtout sur les extrémités, la qualité de vie est souvent altérée au quotidien, et pour des mois à des années selon les cas. En l’absence de traitement, progressivement d’autres articulations, plus proximales, souffrent aussi. À mesure du temps, les signes articulaires diminuent, mais les patients signalent plus de fatigue, de céphalées et une tendance dépressive, et ceci jusqu’à plus de 6 ans après l’infection. Même guéri, un chikungunya laisse donc son empreinte dans la vie des patients qui ont été infectés.
Bien plus rarement (2-5 % des cas), certains malades souffrent d’un vrai rhumatisme inflammatoire chronique (RIC) post-chikungunya de plus mauvais pronostic, comme une polyarthrite rhumatoïde. Ce sont ces patients qu’il faut traquer et identifier au 3e-4e mois pour mettre en place une prise en charge rhumatologique spécialisée.
(1) Simon F. et al. Recommandations françaises pour la prise en charge du chikungunya. Médecine et maladies infectieuses 45 (2015) 243-263
(2) Gaüzere B, Aubry P. Le chik, le choc, le chèque. Ed Hors collection, 2006, 104 p
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