AVEC ENVIRON 243 millions de cas et 863 000 décès imputables au paludisme rapportés en 2009, cette parasitose est l’une des maladies infectieuses les plus sévères. Des 4 espèces de Plasmodium identifiés chez les humains, falciparum est la plus létale, principalement chez les enfants de moins de 5 ans, tandis que vivax cause la morbidité la plus importante. La résistance aux antipaludéens tend, comme chacun le sait, à s’étendre. Aucune nouvelle classe thérapeutique n’a été introduite depuis 1996. La dernière classe, qui est celle des artémisinines, commence à être sérieusement mise à mal, et l’on observe des réponses cliniques réduites aux combinaisons contenant ce produit.
« C’est contre ce mauvais scénario que les publications d’Armand Guiguemde et coll. et de Francisco-Javier Gamo et coll. dans Nature méritent d’être saluées », commente David Fidock dans le même numéro de « Nature ».
Les deux équipes décrivent l’identification et les structures chimiques d’un grand nombre de composés, dont chacun peut potentiellement être développé pour aboutir à un médicament de demain.
Guiguemde et coll. rapportent un travail multidisciplinaire. Ils ont démarré en criblant des composés qui inhibent le stade asexué de multiplication du Plasmodium dans l’hématie en culture. L’équipe a mené ses investigations dans une librairie de pratiquement 310 000 composés, dont 1 100 ont répondu aux critères de sélection, à savoir l’inhibition de 80 % de la croissance du parasite à la concentration de 7 micromolaire. Les chercheurs en ont retenu 172 pésentant une structure chimique novatrice. « Au moins 80 % de ces composés semblent agir sur des cibles du parasite différentes de celles que les traitements antérieurs affectent », notent-ils.
Des souches de P. falciparum résistantes aux antipaludéens actuellement commercialisés démontrent une résistance croisée minimale aux produits composant cette présélection. Et, de plus, deux classes agissent en synergie avec les combinaisons thérapeutiques comportant de l’artémisinine, ce qui peut ralentir l’émergence des résistances.
Guiguemde et coll. ont également recherché les effets de leurs composés sur d’autres parasites (Toxoplasma, Leishmania et les trypanosomes) et sur des cellules humaines en réplication, et ils observent une haute sélectivité pour Plasmodium.
Les analyses pharmacologiques préliminaires suggèrent que nombre de ces composés sont adaptés à un développement clinique. Par exemple, l’un de ces composés est efficace pour traiter le paludisme sur un modèle de souris, même si c’est à une concentration 25 fois supérieure à la chloroquine sur le même modèle.
Deux millions de composés au crible.
Gamo et coll., pour leur part, ont puisé dans la librairie des centres de recherche de GlaxoSmithKline et passé au crible environ 2 millions de composés, toujours contre le même stade de croissance du parasite. Une inhibition de 80 % de la croissance à 2 micromolaire a permis d’identifier plus de 13 500 composés actifs, dont 8 000 présentent une efficacité équivalente contre des P. falciparum multirésistants. Plus de 4 200 composés pourraient être des candidats pour une utilisation humaine. Un grand nombre d’entre eux pourrait cibler des kinases de P. falciparum, notent les chercheurs. Si cela se confirme, ces produits s’engageraient dans une nouvelle direction de mode d’action des antipaludéens, une voie qui pourrait se croiser avec celles empruntées pour des recherches sur le traitement de cancers solides, d’inflammation, d’arthrite, du diabète et des maladies cardio-vasculaires.
Gamo et coll. sont allés moins loin que l’autre équipe dans l’expérimentation des potentialités d’utilisation chez l’humain de ces composés. Leur étude ne fait que donner un point de démarrage pour tester des hypothèses sur les modes d’action des produits.
« Aucun des deux groupes n’annonce avoir découvert un nouvel antipaludéen », souligne le commentateur. « Mais ils apportent une remarquable diversité de nouvelles structures chimiques sur lesquelles il est possible de s’appuyer pour trouver de nouveaux antipaludéens et élaborer des campagnes de développement. »
D’autres mécanismes d’action sont susceptibles d’être étudiés, par exemple le stade de multiplication sexuée sanguin qui préside à la transmission au moustique vecteur.
Nature, vol. 465, 20 mai 2010 ; p. 311-315 (Guiguemde), 305-312 (Gamo) et 297-298 (Fidock).
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?