LA RUMEUR était persistante. Tellement qu’elle avait provoqué des heurts entre les casques bleus de l’ONU (Minustah) et des manifestants haïtiens criant leur colère : « Le choléra, c’est la Minustah qui nous a donné ça » (« le Quotidien » du 23 novembre). Une rumeur que l’ONU a jusqu’ici démentie affirmant que des échantillons prélevés autour de la base népalaise, accusée d’être à l’origine de l’épidémie, étaient tous négatifs, de même que les tests effectués sur des échantillons prélevés dans les latrines et les eaux de la base. « Je ne peux pas dire que ça ne vient pas des soldats de la Minustah mais je ne peux pas dire non plus que ça vienne de là car tous les tests sont négatifs. Il n’y a pas de conclusions définitives », expliquait encore la semaine dernière le chef de la mission de l’ONU en Haïti Edmond Mulet.
Les conclusions du rapport du Pr Renaud Piarroux, épidémiologiste au laboratoire de parasitologie-mycologie au CHU de Marseille-hôpital de la Timone, sont plus définitives. C’est à la demande des autorités françaises, sollicitées par le ministère haïtien de la Santé, qu’il s’est rendu en Haïti du 7 au 27 novembre dernier. À son retour, il déclarait à l’AFP : l’épidémie « n’est pas liée au séisme, elle ne provient pas non plus d’une souche environnementale ». D’évidence, selon le spécialiste, il s’agit d’une épidémie importée qui a commencé dans le centre du pays mais « pas au bord de la mer ni dans les camps de sinistrés », expliquait-il.
Matières fécales.
Dans son rapport, dont plusieurs extraits sont sortis dans la presse, l’épidémiologiste est plus explicite : « La mission d’investigation a révélé le caractère sévère et inhabituel de cette épidémie, dont l’origine importée ne fait aucun doute. Elle a démarré aux abords du camp de la Minustah ». La simultanéité et la contamination d’un nombre aussi important de personnes, ne peuvent, selon lui, être seulement expliquées par une transmission interhumaine. « Une contamination massive » est sans doute en cause et celle-ci « ne peut avoir été provoquée que par le déversement en une seule fois dans le fleuve d’une quantité phénoménale de matières fécales issues d’un grand nombre de malades ».
Selon une source qui a eu accès au rapport, « le foyer infectieux est parti du camp des Népalais » situé à Mirebalais, près du fleuve de l’Artibonite, un fleuve très utilisée par la population pour boire, se baigner, laver le linge ou puiser pour arroser les terres agricoles. « Le point de départ est localisé très précisément », dit-elle à l’AFP, avant d’ajouter : « Il n’y a pas d’autre explication possible sur le développement de l’épidémie dans un contexte où il n’y avait pas de choléra dans le pays, et compte tenu de l’intensité, de la vitesse de propagation et de la concentration de vibrion dans le delta de l’Artibonite. » Toutefois, cette même source précise que « le seul élément manquant est l’établissement formel à partir d’analyses et de prélèvements de la présence du vibrion chez les Népalais ». Ces derniers sont arrivés sur l’île en octobre 2010, alors qu’en août-début septembre 2010, une épidémie de choléra était signalée au Népal.
Pour mieux prévoir.
Interrogé par « le Quotidien », le Pr Renaud Piarroux explique que, compte tenu de la situation sur place en Haïti, il est tenu à une obligation de réserve. Toutefois, l’épidémiologiste ne dément pas les conclusions du rapport. Connaître l’origine de l’épidémie lui semble indispensable car « cela détermine la dynamique de l’épidémie et aide à prévoir les besoins et répartir au mieux les moyens à mettre en œuvre ». L’épidémiologiste, qui a remis son rapport aux autorités haïtiennes, espère qu’il aidera à prendre des mesures adaptées. Du côté du ministère des Affaires étrangères, on assure que le rapport a bien été transmis aux Nations Unies et au ministre de la Santé haïtien, le Dr Alex Larsen, et qu’il est « souhaitable » qu’il soit en soit tenu compte.
Le Dr Benoît Faucher, épidémiologiste au laboratoire du Pr Piarroux, est parti 3 semaines en Haïti dans le cadre d’une mission avec l’UNICEF qui consistait à repérer les lieux les plus à risque d’évolution défavorable, qui devront être considérés comme des zones prioritaires. L’épidémie reste selon lui « toujours active ». Étendue bien au-delà de son foyer d’origine, elle touche désormais les 10 départements de l’île. Toutefois, « le pic épidémique semble dépassé dans la région du foyer initial, où la situation s’est bien améliorée. À Port-au-Prince, il semble aussi que le pic ait été dépassé et que le pire soit derrière nous, même si un léger rebond a été observé ces derniers jours et qu’il convient de rester attentifs. » En revanche, la situation n’est pas encore sous contrôle dans le Nord et le Nord-Ouest alors que dans le Nord-Est et le Sud l’épidémie semble démarrer, « avec notamment quelques dizaines de cas par jour dans la ville des Cayes. Dans ces deux régions, il est possible que la situation se détériore dans les prochains jours », estime le spécialiste.
Selon le dernier bilan du ministère haïtien de la Santé, ce sont plus de 90 000 malades et 2 000 morts qui ont été recensés depuis le premier cas, le 19 octobre dernier.
En dépit de l’ampleur de l’épidémie, et contrairement aux premières prévisions du CDC, le Dr Benoît Faucher pense que le choléra pourrait ne pas s’installer en Haïti. « Cela ne me paraît pas être une certitude, indique-t-il. Il existe des antécédents, comme à Madagascar, par exemple, où le choléra est apparu brutalement dans une île. Grâce aux mesures appropriées mises en place, la souche n’a pas persisté à l’état endémique. Il n’est pas exclu qu’il se passe la même chose en Haïti », conclut-il.
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