Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, la communauté scientifique ronge son frein face au manque de données disponibles sur le marché de Wuhan pour comprendre l’origine des premiers cas recensés. Après plusieurs années d’opacité, le rideau commence à s’entrouvrir et des chercheurs tels que Florence Débarre, spécialiste en biologie de l’évolution à Paris Sorbonne Université et à l’École normale supérieure, se ruent dans la brèche.
En avril 2023, une équipe chinoise publie les résultats des prélèvements faits sur les étals du marché de Wuhan après sa fermeture, ainsi que sur une poignée d’animaux. La même année, le centre de contrôle des maladies chinois ouvre l’accès à ses bases de données. En croisant ces différentes sources, Florence Débarre et une équipe internationale de scientifiques, qu’elle codirige avec Michael Worobey (département d’écologie et de biologie de l’évolution à l’université de l’Arizona), ont pu établir une liste de « suspects », des animaux susceptibles d’avoir été des hôtes intermédiaires entre la chauve-souris Rhinolophus spp et l’homme dans les toutes premières phases de la pandémie, à Wuhan.
Le chien viverrin, suspect numéro 1
Dans un premier temps, ils ont répertorié tous les animaux présents sur le marché de Wuhan à la fin de 2019, ainsi que leurs positions précises sur les étals. Ils ont ensuite croisé ces informations avec les prélèvements faits sur le matériel et les surfaces des différents stands du marché. L’analyse métagénomique et phylogénique, qu’ils ont publiée dans Cell, plaide en faveur de l’hypothèse d’une émergence zoonotique, écartant celle d’un virus échappé du laboratoire P4 de Wuhan ainsi que celle d’un transport de viandes congelées.
« Il n’est pas possible de conclure précisément quelle espèce a introduit le virus dans le marché uniquement sur la base de ces données, expliquent les chercheurs. Toutefois, notre travail fournit une liste d’espèces avec des données génotypiques détaillées. » Parmi les espèces sauvages présentes sur le marché, quatre ont déjà été impliquées dans des franchissements de barrières par des virus initialement présents chez les chauves-souris : le chien viverrin, la civette palmiste à masque, le rat des bambous et le porc-épic de Malaisie.
Le chien viverrin est le suspect numéro 1. Il est connu pour être capable d’héberger de grandes quantités de Sars-CoV-2 et de transmettre le virus. De plus, c’était l’animal le plus présent sur le marché lors de la journée du 12 janvier, sur des étals très fréquemment positifs pour le Sars-CoV-2.
La susceptibilité de la civette à l’infection par le Sars-CoV-2 reste quant à elle inconnue, malgré quelques éléments de preuve apportés par des expérimentations in vitro. Les susceptibilités du rat des bambous et du porc-épic de Malaisie ne sont pas plus claires. « Ces animaux doivent être prioritaires dans les prochains travaux d’évaluation de la susceptibilité », affirment les auteurs. Les autres animaux présents sur le marché, comme la marmotte ou le cerf aboyeur, sont des hôtes intermédiaires peu crédibles pour diverses raisons touchant notamment à leur gène codant pour le récepteur ACE2.
Enfin, la belette sibérienne, le renard et le blaireau sont susceptibles d’être infectés par le Sars-CoV-2 et de le transmettre, mais ils n’étaient que peu présents, voire absents du marché aux animaux.
Les auteurs ont également essayé de reconstituer l’origine géographique des animaux vendus à Wuhan. Les chiens viverrins présents sur le marché en 2019 appartenaient à une sous-espèce originaire du sud de la Chine, c’est-à-dire les régions où vivent les chauves-souris porteuses du Sars-CoV-2. Un argument supplémentaire en faveur de l’origine purement zoonotique du virus.
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