Malgré une baisse régulière de la mortalité et de l’incidence depuis 2004, le paludisme reste l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières avec la tuberculose et le sida, a rappelé le Pr Marc Gentilini en préambule d’une session spéciale à l’Académie de Médecine.
Avec 88 % des 214 millions de cas et 90 % des 438 000 décès enregistrés en 2015, l’Afrique paye toujours le plus lourd tribu au niveau mondial. Alors que plus des deux tiers des décès surviennent chez les moins de cinq ans, la chimioprévention saisonnière associant une dose unique de primaquine à une combinaison thérapeutique à base d’artémisinine constitue l’un des nouveaux outils à fort potentiel de la lutte contre le paludisme à Plasmodium falciparum. Tandis qu’une poignée de pays africains, proposent encore des ARTs en monothérapie – malgré l’interdiction de l’OMS – augmentant le risque de résistance à cette classe de molécule, une autre menace vient d’Asie du Sud-Est. Actuellement circonscrits à des régions du Cambodge, de la Thaïlande, du Myanmar, du Vietnam et du Laos, les foyers de résistance aux dérivés de l’artémisinine représentent « une épée de Damoclès sur les populations africaine », écrit le Pr Ogobara Doumbo (Centre de recherche et de formation sur le paludisme, Bamako, Mali) dans son état des lieux présenté à l’Académie de Médecine.
Situation alarmante
Collaborant notamment à l’université thaïlandaise de Mahidol, Le Dr François Nosten évoque sur place « une situation alarmante avec des souches extrêmement résistantes à tous les traitements » à base d’artémisinine. « Il ne s’agit pas seulement d’un phénomène qui se traduirait pas une clairance parasitaire plus lente. Il y a une traduction clinique en termes de rechute et d’échec thérapeutique », insiste-t-il. Pour le chercheur, « une course contre la montre est engagée pour éliminer Plasmodium falciparum dans cette région avant qu’il ne devienne résistant à tous les traitements disponibles ». Sur le terrain, l’enjeu consiste notamment à s’attaquer aux très nombreux foyers d’infection sous microscopiques qui peuvent toucher « jusqu’à 70 % des populations dans certains villages ». Une stratégie de détection de ces foyers et d’élimination par des traitements de masse a déjà été déployée avec succès dans une zone de l’état Karen dans l’Est de la Birmanie le long de la frontière avec la Thaïlande.
Résistance génétique
Un autre enjeu est de mieux comprendre les mécanismes génétiques régissant ces résistances. C’est tout le travail du Dr Françoise Benoit-Vital (Laboratoire de chimie et de coordination du CNRS, Toulouse) dont l’équipe a exposé pendant plus de 5 ans la souche F32-Tanzania à l’artemisinine avec une pression médicamenteuse. « Nous avons démontré pour la première fois qu’une pression au long cours avec uniquement de l’artémisinine, entraîne des résistances croisées à des molécules de structure chimique et de cible pharmacologique totalement différentes pour les artémisinine, les quinoléines et les antifolates », résume-t-elle. « La compréhension fine des voies biochimiques impliquées dans ce mécanisme original de résistance pourra conduire à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques permettant soit de découvrir de nouveaux antipaludiques, soit à travers le contrôle de la quiescence de sauvegarder l’efficacité des ACTs actuellement utilisés », conclut le Dr Benoit-Vital.
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