Alors que la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi) se clôt ce 22 février après quatre jours d'échanges à Seattle, retour sur trois présentations relatives aux antirétroviraux à action prolongée, au mpox et à un candidat vaccin dans le VIH-sida, après l'étude présentée en début de semaine sur une nouvelle guérison probable après greffe de moelle osseuse.
Des antirétroviraux à action prolongée pour les plus éloignés des soins
Un traitement antirétroviral à action prolongée administré toutes les quatre à huit semaines permet de supprimer la charge virale du VIH, démontre une étude de cohorte menée auprès de 133 patients précaires vivant à San Francisco et financée par les National Institutes of Health (NIH). Parmi les participants, âgés en moyenne de 45 ans, 58 % disent n'avoir pas de logement fixe, 8 % se déclarent sans abri, 38 % font état de troubles psychiatriques et 33 % d'addictions.
« Les traitements antirétroviraux ont changé la donne dans le VIH. Pour progresser dans la lutte contre cette pandémie, il faut désormais donner la priorité aux laissés-pour-compte qui doivent avoir accès aux formulations simplifiées », a commenté Carl Dieffenbach, responsable au sein du département des maladies infectieuses des NIH.
Alors que le seul traitement antirétroviral d'action prolongée (cabotégravir et rilpivirine) n'est autorisé par la Food and Drug Administration (FDA) que pour les patients à la charge virale indétectable et sous antirétroviraux oraux, l'équipe de la Dr Monica Gandhi de l'hôpital général de San Francisco a inclus 57 patients (43 % ) non traités, avec une charge virale détectable. La quasi totalité d'entre eux (55 sur 57) a atteint une charge nulle grâce à ces antirétroviraux d'action prolongée. Par ailleurs, ils étaient soumis deux fois par semaine à un bilan de santé et à de l'éducation thérapeutique. « Nous voulons administrer ces antirétroviraux à action prolongée aux patients qui en tireront le plus grand bénéfice, notamment ceux qui ont du mal à observer un traitement quotidien », commente la Dr Gandhi.
Une forme spécifique de mpox au stade sida
Une autre étude internationale présentée à la Croi, et publiée dans « The Lancet », met en évidence l'apparition d'une forme particulièrement grave et nécrosante de mpox, « mpox fulminant », chez les patients infectés par le VIH, pouvant être mortelle chez ceux qui sont au stade sida. Tenant compte du fait que les personnes VIH représentent 38 à 50 % des patients affectés par le mpox en 2022, les chercheurs ont décrit les caractéristiques cliniques de cette épidémie chez des patients avec un faible taux de lymphocyte T CD4 (< 350/mm3). Entre mai 2022 et janvier 2023, ils ont regardé les données de 382 patients co-infectés, une grande majorité d'hommes âgés en moyenne de 35 ans, dont 91 % se savaient séropositifs et 65 % étaient sous antirétroviraux.
Les patients dont le taux de CD4 était inférieur à 100/mm3 présentaient davantage de complications du mpox : 54 % avaient des nécroses de la peau ou des parties génitales (versus 7 % chez les personnes avec des CD4 > 300), 29 % une atteinte pulmonaire et 44 % des infections secondaires. Sur les près de 400 cas, 107, soit 28 %, ont été hospitalisés, dont 27 (25 % des hospitalisés) sont décédés - tous présentant des taux de CD4 < 200/mm3, soit le stade sida.
Les patients VIH devraient être vaccinés en priorité contre le mpox, considèrent ainsi les chercheurs, qui appellent à ajouter cette forme grave de mpox à la liste des maladies caractéristiques du sida.
Sécurité démontrée pour un candidat vaccin français
Enfin, les premiers résultats d'un essai de phase 1 pour un vaccin préventif contre le VIH développé par l'Inserm, l'ANRS-MIE et le Vaccine Research Institute (VRI, ANRS-MIE et Université Paris-Est Créteil) démontrent qu'il provoque une réponse immunitaire précoce, importante et durable. Sans aller jusqu'à démontrer encore son efficacité.
Le candidat vaccin, appelé « CD40.HIVRI.Env », repose sur l’injection d’anticorps monoclonaux qui ciblent spécifiquement un récepteur, la molécule CD40, à la surface des cellules dendritiques. C’est la première fois qu’un vaccin vise directement ces cellules au rôle clé dans l’activation du système immunitaire. Une protéine de l’enveloppe du VIH est fixée sur les anticorps monoclonaux du candidat vaccin afin que le système immunitaire apprenne à reconnaître et neutraliser le virus.
Alors que le recrutement des 72 personnes nécessaires pour mener l’essai s’est terminé en France et en Suisse en octobre 2022, les résultats préliminaires portent sur 36 volontaires. Un premier groupe de 12 personnes a reçu par voie sous-cutanée une dose de 0,3 mg de vaccin à l’inclusion et aux semaines 4 et 24. Le second et le troisième groupe ont ensuite reçu respectivement des doses de 1 et 3 mg selon le même schéma. Le vaccin est associé à un adjuvant, l’Hiltonol.
À la semaine 26, les résultats observés chez les 36 premiers volontaires (âgés en moyenne de 34 ans, dont 64 % sont des hommes) montrent que le candidat vaccin est sûr et bien toléré par les volontaires (malgré des réactions locales modérées au point d'injection et générales).
L’équipe de chercheurs a observé que le vaccin induisait des taux élevés d’anticorps dirigés contre les protéines d’enveloppe du VIH : entre 80 à 100 % à la semaine 6, 100 % à la semaine 26 dans tous les groupes. Ces taux sont restés stables, ou en légère baisse, jusqu’à la semaine 48. Des anticorps ciblant une zone spécifique de l’enveloppe du VIH (la région V1/V2) ont également été produits. De plus, des anticorps neutralisants ont été détectés chez 50 % des personnes vaccinées du groupe 0,3 mg et chez 100 % des deux autres groupes à la semaine 26.
Les chercheurs ont également observé la production de lymphocytes T CD4 spécifiquement dirigés contre la protéine d’enveloppe du VIH après la vaccination qui restent stables jusqu’à la semaine 48.
« Ces premiers résultats de phase 1 sont prometteurs. Toutefois, à ce stade précoce de développement du vaccin, il est important de rappeler que les volontaires doivent continuer à se protéger de tout risque d’infection par le VIH, l’efficacité du vaccin n’étant évaluée qu’en phase 2/3 » commente le Pr Yves Lévy, directeur du VRI.
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