Médecin sans Frontière (MSF) a tapé du poing sur la table lors de ses négociations avec le laboratoire ViiV Healthcare, producteur du cabotégravir injectable à longue durée d'action (CAB-LA). Selon l'ONG, l'entreprise souhaiterait imposer une clause de confidentialité aux clients souhaitant acquérir des stocks de ce médicament contre le VIH, dont les études ont révélé qu'il était une option très efficace pour la prophylaxie pré-exposition (PrEP).
Les négociations entre MSF et ViiV Healthcare concernant le CAB-LA ont commencé en janvier 2022 et sont désormais dans une impasse. Dans un courrier adressé au laboratoire, les responsables de MSF rappellent que « le 12 mai dernier, après nous avoir informés que les stocks seraient très limités pour les pays à revenus faibles et intermédiaires », ViiV Healthcare a « introduit des modifications qui ne figurent pas dans les contrats que nous signons habituellement ».
En sus de la clause de confidentialité, le laboratoire aurait, à la dernière minute, inclus une autre clause lui accordant le droit de mettre fin au contrat, ou de refuser une commande, sans obligation de justification. « La liste des raisons qui pourraient justifier le refus d'une commande a été retirée, explique l'ONG dans son courrier. En outre, le délai d'acceptation d'une commande est passé de 5 à 45 jours, auquel s'ajoutent les 6 longs mois de délais de fabrication. Enfin, le contrat comporte désormais la possibilité d'une résiliation pour convenance après 90 jours de préavis. »
En France, le cabotégravir injectable est disponible sous le nom commercial de Vocabria, au prix de 829,77 €, et est indiqué chez les adultes infectés par le VIH virologiquement contrôlé. Dans de nombreux autres pays, notamment africains, CAB-LA constitue un espoir dans la PrEP destinée aux populations à risque, telles que les travailleuses du sexe. Il s'administre sous la forme d'une injection tous les deux mois, et est associé à une meilleure adhérence que les traitements oraux.
Une pratique déjà critiquée dans d'autres circonstances
Le principe même des clauses de confidentialité avait déjà été critiqué lors des négociations sur les prix des lots de vaccin contre le Covid au plus fort de la crise sanitaire. Leur existence ouvre la porte à des inégalités de traitement entre les différents clients « et empêche le grand public de mettre les gouvernements face de leur responsabilité », ajoute MSF qui juge ce type de clause « hautement problématique ».
La constitutionnalité des clauses de confidentialité imposée lors d'achat de stocks de vaccin avait d'ailleurs été contestée, sans succès, devant la cour de justice d'Afrique du Sud.
« Nous sommes prêts à offrir du cabotégravir dans le cadre de nos programmes au Mozambique et dans d'autres pays, mais nous ne pouvons envisager de signer un accord dans de telles conditions sans garantie d'accès au traitement, ni autorisation de rendre public les prix pratiqués, explique le Dr Helen Bygrave, conseillère auprès de MSF pour tout ce qui concerne les maladies chroniques. Cela reviendrait à perpétuer un système qui mine la transparence et limite la capacité de la société civile à militer pour des traitements abordables. »
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