VIH : le diagnostic tardif toujours associé à une forte surmortalité en France

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Publié le 20/03/2024
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En dépit des nouveaux traitements disponibles ces dernières années, la découverte tardive d'une infection par le VIH a toujours un impact majeur sur le risque de mortalité à 5 ans, selon les données d'une étude française présentée à la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi).

Crédit photo : BURGER/PHANIE

« Nous avions déjà fait ce même travail il y a 10 ans, et on espérait que l'arrivée des inhibiteurs de l'intégrase en 2014 améliorerait le pronostic des patients ayant un diagnostic tardif de l’infection par le VIH. On est dramatiquement face au même constat », résume la Dr Sophie Grabar, médecin de santé publique (hôpital Saint-Antoine, AP-HP) et chercheuse Inserm à l'institut Pierre Louis d’épidémiologie. Avec son équipe, cette chercheuse a estimé le lien entre précocité du dépistage et risque de mortalité à 5 ans en France. Leur conclusion : l’arrivée de nouveaux traitements plus efficaces au tournant des années 2010 n’est pas parvenue à améliorer le pronostic des patients diagnostiqués à un stade avancé.

Près de 30 % de patients reçoivent un diagnostic à un stade tardif

Les auteurs ont analysé les données de la cohorte ANRS-CO4 FHDH, composée d’adultes diagnostiqués entre 2002 et 2016. Ces patients ont été classés en plusieurs catégories : ceux découverts à un stade précoce (CD4 ≥350/mm3 ou primo-infection), ceux découverts à un stade intermédiaire (CD4 compris entre 200 et 350/mm3), ceux découverts à un des 3 stades avancés de la pathologie : CD4 ≤50/mm3, CD4 compris entre 50 et 200/mm3, ou stade sida (caractérisé par l’apparition d’une pathologie opportuniste). Sur les 64 400 personnes vivant avec le VIH incluses dans la cohorte, 28,4 % ont été diagnostiquées à un stade avancé de la maladie. Par comparaison à celles diagnostiquées à un stade plus précoce, le risque de décès était le plus élevé au cours des 6 premiers mois de suivi, et cet écart reste significatif jusqu'à 48 à 60 mois. Surtout il ne varie pas entre les périodes 2002-2013 et 2014-2016. L'introduction des inhibiteurs de transférase n'a donc pas amélioré les chances de survie des patients diagnostiqués tardivement.

Au cours de la totalité du suivi, le risque cumulé de décès est de 0,9 % chez les patients diagnostiqués précocement, 1,3 % dans le groupe intermédiaire, 2,5 % dans le groupe stade avancé CD4 entre 50 et 200/mm3, 4,2 % dans le groupe stade avancé CD4 en dessous de 50/mm3 et 6 % chez les patients diagnostiqués au stade sida (soit plus d’un patient sur 17). Au cours des six premiers mois post-diagnostic, les patients repérés au stade sida ont 14 fois plus de risque de mourir que les patients ayant bénéficié d'un diagnostic précoce.

Les diagnostics tardifs restent courants en France, et concernent 26,5 % des patients nouvellement diagnostiqués selon les études récentes. « Il y a peu d'améliorations du statut des patients lors de leur prise en charge entre la période 2002-2013 et la période 2014-2016 où ce taux était de 28 % », regrette la Dr Grabar. Les politiques de dépistage sont pourtant favorables en France. « Mais cette étude souligne une nouvelle fois l'importance du dépistage du VIH, qui est un levier majeur pour réduire la morbidité », poursuit-elle.

Les personnes prises en charge à un stade avancé ne sont pas le public ciblé par les campagnes de prévention. Leurs caractéristiques sont bien connues ; il s’agit en général plutôt d’hétérosexuels, d’hétérosexuels nés à l'étranger, d’usagers de drogues intraveineuses et de personnes assez âgées. « Il y a aussi des inégalités territoriales, complète la Dr Grabar. Des zones comme la Réunion ou la Guyane sont plus touchées que l'Île-de-France. »


Source : lequotidiendumedecin.fr