Le collectif TRT-5 CHV, groupe interassociatif traitement et recherche thérapeutique, s'inquiète quant à l'avenir de la prise en charge des personnes vivant avec un VIH multirésistant, alors que le médicament Trogarzo - l'anticorps monoclonal ibalizumab - va être retiré du marché européen. Le collectif
dénonce la loi du profit dans l’industrie pharmaceutique.
Dans un communiqué du 27 avril, la société biopharmaceutique Theratechnologies a en effet annoncé qu’elle allait cesser ses activités de commercialisation de Trogarzo en Europe et rendre les droits de commercialisation européens du médicament à TaiMed - société qui l'a mis au point - dans les 180 prochains jours.
« Les prix et les modalités de remboursement du Trogarzo dans les principaux pays européens n’étaient pas satisfaisants pour Theratechnologies, déplore la société. Bien que Trogarzo soit un traitement important et efficace pour les personnes vivant avec le VIH-1, la poursuite de la vente commerciale de Trogarzo aux prix et aux modalités de remboursement proposés par les divers gouvernements européens aurait entraîné des pertes continues pour Theratechnologies. »
De son côté, la société TaiMed a indiqué être « déterminée à continuer la commercialisation de Trogarzo et à fournir le médicament aux patients qui en ont besoin et a déjà commencé à rechercher un nouveau partenaire commercial pour la région européenne. »
Disposer de molécules aux mécanismes d'action différents
Pas de quoi rassurer TRT-5 CHV qui alerte : « L’indisponibilité de Trogarzo en France risque d’aggraver l’état critique dans lequel les patients se trouvent alors que leurs parcours de vie et de soins sont déjà très difficiles. » Le Pr Jean-Michel Molina, infectiologue à l'Université Paris Cité et aux hôpitaux Saint-Louis et Lariboisière (AP-HP), déplore aussi, auprès du « Quotidien », « que l'intérêt de santé publique se heurte à des problématiques commerciales ».
Il rappelle que « ces situations de multi-échecs restent heureusement exceptionnelles, concernant environ un patient sur 1 000 » et précise qu'en France, « 12 patients sont traités avec le Trogarzo dans le cadre d'un accès précoce depuis 2019 ». Néanmoins, poursuit-il, « ce sont des situations complexes et précaires qui peuvent progresser vers la phase de sida ou de décès, le risque de mortalité étant multiplié par trois chez ces patients ». Pour le spécialiste, il est donc essentiel de disposer de molécules efficaces et aux mécanismes d'action différents pour contourner les résistances croisées.
Le lénacapavir se distingue
Au-delà du Trogarzo, qui présente l'inconvénient d'être administré par voie intraveineuse tous les 15 jours, quelques autres molécules sont disponibles. Pour le Pr Molina, le lénacapavir, également disponible en accès précoce, apparaît comme le plus prometteur. « Il a montré une activité antivirale in vitro quelle que soit la souche virale, car il cible la capside du virus, une protéine très conservée, et a l'avantage de pouvoir être administré sous forme de comprimé une fois par semaine ou bien d'injection sous-cutanée tous les six mois, ce qui présente un avantage majeur en termes d'observance », détaille-t-il.
L'étude de phase 3 Capella, récemment publiée dans le « New England Journal of Medicine » et à laquelle le Pr Molina a participé, confirme la forte activité antivirale du lénacapavir contre le VIH-1 et sa bonne tolérance. « Le lénacapavir est probablement plus efficace que l'ibalizumab en termes de puissance antivirale », précise l'infectiologue, affirmant que ces nouveaux résultats devraient conduire à la commercialisation prochaine du lénacapavir.
Le Fuzeon (enfuvirtide) est quant à lui disponible depuis 2003. « S'il est intéressant du fait de son mécanisme inhibant la fusion entre l'enveloppe du virus et la cellule cible, son utilisation a été progressivement réduite en raison d'un mode d'administration complexe, avec deux injections sous-cutanées par jour, occasionnant des nodules », explique le Pr Molina. Quant au Rukobia (fostemsavir), qui a obtenu une autorisation de mise sur le marché début 2021, il a comme principal atout d'être disponible sous la forme d'un comprimé oral à libération prolongée.
« Si tous ces médicaments ont des indications rares, il est essentiel de maintenir leur accès pour ces patients en situation dangereuse », insiste l'infectiologue, ajoutant que ces traitements peuvent aussi être combinés. Ainsi, dans l'étude internationale Capella, qui a inclus au total 72 patients, 24 % des patients ont reçu, en plus du lénacapavir, le Trogarzo, 11 % le Rukobia et 7 % le Fuzeon. « Au total, plus de 80 % des patients étaient contrôlés virologiquement dans l'étude », rapporte le Pr Molina.
*Collectif d’associations de lutte contre le VIH, les hépatites et les IST autour des enjeux en recherche clinique et avancées thérapeutiques pour la défense des intérêts des personnes concernées
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