Les commotions cérébrales (ou traumatismes crâniens légers) constituent l'un des problèmes majeurs du rugby professionnel. Lors d'un symposium sur les commotions liées au sport qui s'est tenu le 13 octobre à l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP, AP-HP), les Drs Jean-François Chermann, neurologue à l'HEGP, et Philippe Malafosse, médecin du sport, ont présenté les premières données d'un essai pilote. L'étude Recovery vise à évaluer l’intérêt d'une nouvelle approche pour traiter les commotions et prévenir la survenue éventuelle d’une encéphalopathie chronique post-traumatique : la photobiomodulation.
En ce qui concerne la phase aiguë, la fédération française de rugby s'efforce de promouvoir la mise en place systématique de protocoles commotions au bord du terrain, régulièrement mis à jour. Mais la prévention des séquelles à long terme et de la formation de nouvelles commotions reste problématique.
Selon les données des matchs du Top 14 publiées en 2018, l'incidence des commotions serait de 0,31 commotion par match, soit une tous les trois matchs, et entre 4 et 5 par journée de championnat de première division en France. Dans la majorité des cas, les symptômes (céphalées, hypertension intracrânienne, troubles oculomoteurs…) disparaissent en quelques jours, mais dans 15 à 25 % des cas, ils persistent au-delà de trois mois.
Agir sur l'inflammation
La photobiomodulation consiste à exposer des tissus biologiques à une émission lumineuse de basse intensité provenant de sources laser (source de lumière cohérente pour une pénétration profonde) ou LED (source de lumière incohérente, pour une pénétration plus diffuse).
Dans le cadre de Recovery, il s'agit d'une source lumineuse triphotonique qui associe la stimulation lumineuse à l'utilisation de champs magnétiques pour mieux maîtriser les longueurs d’onde employées (entre 600 et 1 200 nm, soit entre le rouge et l'infrarouge). Selon des mesures réalisées chez des gros animaux, une portion significative des photons émis parvient au cortex cérébral, où ils ont un effet sur la circulation sanguine locale, la production cellulaire d’énergie et l'activité anti-inflammatoire.
Le dispositif testé par les chercheurs français se présente sous la forme d'un casque fabriqué spécifiquement par l'entreprise montpelliéraine RegenLife. Si l'ensemble du crâne est exposé, cinq zones sont ciblées en priorité : cervico-occipitale, fronto-pariéto-occipitale médiane, occipitale, temporale et préfrontale.
La photobiomodulation en soi n'est pas un concept neuf. En 1903, le Dr Niels Ryberg Finsen recevait le prix Nobel de médecine pour ses travaux sur la découverte de l'effet de la photothérapie sur les patients atteints de lupus vulgaris. « Les applications ont essentiellement été faites dans le domaine de la dermatologie, explique le Dr Jean-François Chermann. Dans les clubs de rugby professionnels, le procédé est déjà employé pour réduire les dommages liés aux traumatismes musculosquelettiques », indique-t-il.
Deux séances de 20 minutes
Au cours de l'étude, les chercheurs ont recruté 50 sportifs (ves) dont 48 joueurs et joueuses de rugby, (2 footballeurs professionnels), des hommes dans 88% des cas, qui avaient subi une commotion lors d'un match ou d'un entraînement. Les participant.e.s ont eu deux séances de 20 minutes de photobiomodulation : une première moins de trois jours après le choc (le délai moyen était de deux jours) et une autre sept jours après cette première séance.
Les volontaires ont répondu à un autoquestionnaire, 14 jours après la première séance de photobiomodulation et à un questionnaire clinique au bout de 52 jours. Cette étude ne comportait pas de groupe contrôle, mais les auteurs ont toutefois réparti les volontaires en deux groupes soumis à des signaux lumineux de respectivement 5 et 10 Hz.
Le principal objectif de l'étude était d'évaluer les éventuels effets indésirables, et l'objectif secondaire était de mesure l'efficacité du traitement sur différents paramètres : réflexes oculomoteurs, mesure du point de convergence, tests de fonction oculoposturale, tests des fonctions exécutives. Le nombre de symptômes et leur intensité ressentie par le commotionné étaient recensés à chaque visite.
À l'avenir pour des commotions plus sévères ?
Lors de leur présentation, les chercheurs ont conclu que l'intervention était sûre et bien tolérée et qu'il n'y avait pas de différence significative entre 5 et 10 Hz. Le seul effet indésirable, rapporté par la totalité des participants, était une somnolence pendant la séance « mais elle était plutôt considérée comme une sieste agréable », nuance le Dr Chermann. Les chercheurs ont également observé une amélioration des tests oculomoteurs et oculoposturaux avant et après les séances, effet qui persiste lors de la dernière visite plus de 50 jours plus tard. Ces données laissent suggérer une efficacité qui reste à prouver lors d'études contre placebo.
A l'avenir, le Dr Chermann espère monter de nouvelles études en proposant d'avantage de séances à des volontaires victimes de commotions plus sévères. « Il faudrait travailler sur les commotions chroniques, espère-t-il. On réfléchit à proposer aux joueurs victimes de commotions avec signes persistants plus de 3 mois un schéma alternant placebo et traitement. Un groupe recevant par exemple 3 séances par semaine de photobiomodulation pendant un mois suivi de 3 séances placebo par semaine un mois contre un groupe recevant le schéma inverse afin d’en mesurer les différents paramètres et prouver l’efficacité de notre dispositif », précise-t-il.
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