La pratique de la cryothérapie n’a pas démontré son intérêt pour améliorer la récupération musculaire des sportifs de haut niveau, ou même prévenir les blessures. Et pourtant, son usage a un impact environnemental de plus en plus important, selon une estimation publiée dans le British Journal of Sports Medecine.
Pendant les Jeux olympiques de Tokyo, 22 tonnes de glace ont été utilisées lors des compétitions, et 42 tonnes supplémentaires ont été livrées au village olympique. Les auteurs de cette nouvelle étude dirigés par Sébastien Racinais, membre de l’unité de recherche sur le stress environnemental au sein du Creps de Montpellier/Font-Romeu, estiment que les jeux de Paris devraient battre tous les records. « Les différentes fédérations internationales ont demandé 1 624 tonnes de glace, pour un prix total de 2,5 millions d’euros ont été demandées, expliquent-ils. Les fournisseurs ne sont pas en mesure d’en produire autant. Aussi, on estime que 650 tonnes, dont 450 pour les Jeux olympiques et 200 pour les paralympiques » seront consommés cette année. Ce qui fait tout de même 10 fois plus qu’en 2020.
Les études récentes peu concluantes
L’immersion dans l’eau froide était prescrite par 10 % des kinésithérapeutes lors des jeux d’Athènes en 2004 et de Londres en 2012. Ce taux est monté à 44 % en 2016 lors des jeux de Rio. Pourtant, l’intérêt de cette technique de récupération et de prévention des blessures n’est pas prouvé dans la littérature scientifique.
Selon des analyses de données poolées, la cryothérapie améliore la puissance musculaire et la récupération, par rapport à la récupération active. Toutefois, des études randomisées plus récentes sont venues battre en brèche ces conclusions issues d’études observationnelles.
Ainsi, lors d’un travail publié en 2015 et dirigé par Jeff Combes (université du Queensland) et Jonathan Peake (Académie des sports du Queesland), des chercheurs australiens ont comparé la cryothérapie à la récupération active (massage, exercice physique de faible intensité) sur les changements de masse et de puissance musculaire après 12 semaines d’entraînement au cours desquelles chaque session orientée puissance était suivie de 10 minutes de l’une ou l’autre de ces stratégies. Les scientifiques ont constaté que la puissance et la masse musculaire avaient davantage augmenté chez les sportifs qui faisaient de la récupération active que chez ceux qui recouraient à la cryothérapie.
La performance mesurée lors d’exercices isocinétiques, de même que la taille de la section des fibres musculaires de type II étaient notamment davantage augmentées. En outre, seuls les sportifs bénéficiant d’une récupération active voyaient leur nombre moyen de mitochondries augmenter. Enfin, un certain nombre de protéines clés dans le développement musculaire étaient réduites après recours à la cryothérapie.
Les chercheurs français reconnaissent toutefois des vertus à l’utilisation de la glace après un exercice musculaire intense : une évacuation plus rapide de la chaleur en cas de températures élevées, le soulagement des douleurs musculaires après un exercice prolongé à des températures normales et la réduction des douleurs musculaires qui peuvent être anticipées après plusieurs jours d'entraînement.
Une technique plébiscitée par les sportifs
De par les quantités d’eau et d'énergie nécessaires, l’impact environnemental de la cryothérapie, quel que soit le moyen de refroidissement utilisé, « pèse sur les ressources locales et régionales », alertent les chercheurs, qui insistent également sur le coût économique de cette technique de récupération.
Mais la cryothérapie semble désormais bien inscrite dans les habitudes. À l’Insep, à Paris, un débat a eu lieu pour savoir s’il était pertinent de remplacer les appareils installés depuis 2009. Alors que les arguments scientifiques faisaient peser la balance en faveur du « non », c’est finalement le « oui » qui l’a emporté, poussé par le ressenti positif des sportifs sur l’effet de la cryothérapie corps entier à -120 °C sur la récupération.
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