« Nous définissons un athlète comme un sportif qui s’entraîne six à huit heures par semaine depuis au moins six mois, avec un seuil d’adaptation ventilatoire supérieure à 60 % du VO2 max », explique le Pr François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes, qui travaille à affiner la définition avec ses collègues. Pour suivre le rythme imposé par son propriétaire, le cœur peut emprunter trois chemins avec des modifications structurelles, électriques ou fonctionnelles.
Endurance et force, deux faces d’une même médaille
La nature exacte de l’adaptation varie selon le sport pratiqué. Un effort d'endurance comme le marathon va pousser à l'augmentation du volume d’éjection systolique et de la fréquence cardiaque pour hausser le débit cardiaque. Chez un athlète entraîné, ce débit peut atteindre 40 l/minute, soit 8 fois plus que la normale pour l’âge. À l'autre extrémité, les sports demandant un effort de résistance comme l’haltérophilie, vont favoriser une élévation de la pression artérielle. Dans la plupart des sports, ces deux types d'adaptation cohabitent dans des proportions variées.
On retrouve fréquemment une augmentation du volume du ventricule gauche, de l'ordre de 10 à 20 %. Les modifications les plus extrêmes, tant sur le plan de la dilatation de la cavité que sur celui de l’épaisseur des parois ventriculaires, s’observent dans les disciplines requérant à la fois de la force et de l’endurance, telles que l’aviron ou le cyclisme.
Le rythme cardiaque au repos du sportif est plus lent. Un cœur entraîné bat à un rythme de 50 à 60 pulsations par minute. Les mécanismes qui sous-tendent cet aspect particulier de l’adaptation cardiaque sont encore méconnus. « Si on donne des bêtabloquants à un sportif pour bloquer le système sympathique ou de l'atropine pour inhiber les effets du parasympathique, le rythme cardiaque ne va pas changer, explique le Pr Carré. Le système nerveux autonome n'explique donc pas seul ce rythme bas. Une étude portugaise récente montre qu'une protéine spécifique ralentit la dépolarisation spontanée de la cellule musculaire cardiaque. »
Distinguer le physiologique du pathologique
Des telles modifications peuvent évoquer une cardiomyopathie dilatée. Selon les données rassemblées par le Pr Carré, le taux de faux positifs lors d’examens cardiologiques de routine chez les sportifs était de l'ordre de 30 % en 1998. La diffusion des connaissances sur le cœur du sportif a depuis fait chuter ce taux entre 3 et 4 % mais des débats ont toujours cours sur la distinction entre le physiologique et le pathologique, ce dernier cas de figure pouvant constituer une contre-indication à la pratique d’un sport de compétition. Par ailleurs, des données récentes indiquent que le remodelage cardiaque lors du sport d’endurance pourrait représenter, après de nombreuses années d’entraînement, une adaptation pathologique qui augmente le risque d’arythmies.
La tâche est rendue plus compliquée par plusieurs facteurs, comme le genre ou l'ethnie. Sur plusieurs électrocardiogrammes de footballeurs originaires d'Afrique de l’Ouest, est fréquemment constaté un segment ST retardé et en forme de dôme. « Cela a fermé la porte des clubs professionnels français pendant des années à des footballeurs africains », raconte le Pr Carré. Or, de pareilles anomalies ont été retrouvées chez 25 % d'athlètes d’une cohorte de haut niveau d'Afrique de l'Ouest, sans que cela ne se traduise par une augmentation des pathologies cardiaques au cours d’un suivi de six ans.
« Nous avons également eu l'occasion de comparer des données d'imagerie issues de footballeurs originaires de plusieurs continents, ajoute le Pr Carré. Les athlètes japonais avaient des cavités beaucoup plus dilatées, et les Afro-caribéens des parois cardiaques plus épaisses. Nous avons donc produit de nouvelles normes d'épaisseur pariétale respectivement pour les Afro- caribéens, les Caucasiens et les Asiatiques. »
Des anomalies du rythme à prendre avec précaution
Toujours au chapitre de l'adaptation électrique, d’autres modifications ne doivent pas alerter le cardiologue, à commencer par la bradycardie sinusale et un bloc atrioventriculaire du premier degré. En l’absence d’une fréquence cardiaque très faible (moins de 30 battements/min) ou de pause de plus de 3 secondes, ces anomalies sont considérées comme physiologiques chez les sportifs. Un bloc de branche droit incomplet ou encore une dépolarisation précoce sont à considérer comme normaux.
Pour le Pr Carré, les examens doivent être faits à l'effort. « Un cœur d'athlète n'est pas fait pour rester au repos, explique-t-il. Au repos, il a les caractéristiques de Monsieur-tout-le-monde. Par contre, à l'effort, le débit cardiaque et le volume télédiastolique seront plus importants, et le rythme cardiaque augmentera moins vite. C’est là que l’on peut voir les anomalies. »
Le système vasculaire connaît aussi des modifications avec un épaississement des parois artérielles et une lumière plus grande. De tels remodelages interviennent dans un deuxième temps, après les adaptations qui touchent le myocarde.
Une histoire ancienne
Le concept d'adaptation du cœur sportif n’est pas récent. L'hypertrophie du muscle cardiaque et la dépolarisation du cœur du sportif intensif ont été décrites pour la première fois en 1955 par le Pr Fernand Plas, l’un des pionniers en la matière. Mais le véritable précurseur reste le médecin suédois Henschen qui, dès 1899, était parvenu à diagnostiquer une dilatation et une hypertrophie des cavités cardiaques chez des skieurs de fond par simple percussion thoracique. Aujourd’hui, cette adaptation, de plus en plus étudiée, influence l’interprétation des ECG et des échocardiographies des sportifs de haut niveau.
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