En 2017, le Comité international olympique reconnaissait un manque de données sur la gestion de la douleur chez les paralympiens et les athlètes handicapés. Le constat reste valable sept ans plus tard. Dans ce public très particulier, la source de la douleur chronique est souvent attribuée à tort à un traumatisme aigu ou à des blessures dues à une sur sollicitation musculosquelettique.
Selon de nouveaux travaux publiés dans le BMJ Open Sport par l'équipe de la Dr Kendra Todd, analyste principale au Bureau de l’accessibilité de la fonction publique du gouvernement du Canada et entraîneuse de l’équipe de rugby en fauteuil roulant de la Colombie-Britannique, une partie des douleurs des sportifs de haut niveau pourrait être le fait de douleurs neuropathiques. Caractérisées par une sensation de brûlure, de picotement et des douleurs lancinantes, elles s’avèrent difficiles à diagnostiquer pour les personnes vivant avec une lésion de la moelle épinière.
Pour mieux comprendre ces douleurs neuropathiques, les chercheurs ont recruté et questionné 47 sportifs de haut niveau ayant une lésion de la moelle épinière (âge moyen de 38 ans, à 68 % des hommes) et les ont soumis à deux tests cliniques afin de mesurer objectivement la présence de douleurs neuropathiques : l’International Spinal Cord Injury Pain Basic Data Set, et le Douleur Neuropathique 4 (DN4). Dans le même temps, ils ont laissé les sportifs décrire eux-mêmes, avec leurs propres mots, la nature de leurs douleurs.
Difficile de trouver les bons mots
Premier constat : plus de la moitié (66 %) des participants souffraient de douleurs neuropathiques d'intensité modérée, avec un impact léger à modéré sur les activités quotidiennes, l’humeur et le sommeil. Ce moindre retentissement sur la vie de tous les jours, par rapport au vécu d’autres personnes handicapées, peut s’expliquer par les bénéfices du sport, lit-on, à la fois sur le sommeil et l’humeur, sans oublier que l’activité physique permet de déplacer l’attention et d’éviter qu’elle ne se fige sur la souffrance. Toujours est-il que 62 % des répondants recouraient à des « traitements » pour soulager ces douleurs, pharmaceutiques pour 38 % d’entre eux (gabapentine et tramadol) ou non (exercice physique, 21 %, cannabis, 19 %).
Au cours des entretiens, les participants avaient des difficultés à identifier les douleurs neuropathiques, à les décrire, ou même à déterminer précisément leur localisation (même si les fessiers et hanches étaient cités par 30 % des participants, les jambes et pieds, par 26 %). Les chercheurs observent que si les patients ne se voient pas proposer une liste de symptômes potentiels, ils ne parviennent pas à exprimer assez efficacement leurs douleurs pour aiguiller les praticiens vers le diagnostic correct. Les participants de l'étude utilisaient en effet des termes comme « indescriptible », « ambigu », « inconfortable » ou encore « disloqué », reflétant, selon la Dr Todd, leur difficulté à décrire avec précision l'origine de leur douleur. « Les athlètes ont souvent une meilleure perception de leur corps que les personnes relativement inactives et sont plus aptes à identifier les sensations douloureuses, analyse la Dr Todd. Et pourtant, les participants à cette étude avaient du mal à décrire leurs symptômes douloureux. La douleur peut être mal comprise et entraîner un mauvais diagnostic et une mauvaise gestion des blessures. »
Besoin de nouveaux questionnaires basés sur les symptômes
Les auteurs concluent à la nécessité de proposer de nouveaux outils d’évaluation standardisés, à commencer par des questionnaires basés sur les symptômes spécifiques à la douleur neuropathique. Mais la mise au point de tels questionnaires passe par une montée en compétences des médecins en matière de compréhension de ces symptômes.
Les douleurs neuropathiques résultent d'une lésion ou d'un dysfonctionnement du système nerveux central ou périphérique. Elles se caractérisent par des sensations de brûlures, de froid douloureux, de décharges électriques, de fourmillements ou de picotements. Elles peuvent également s'accompagner de symptômes tels que l'allodynie (douleur provoquée par un stimulus normalement non douloureux) et l'hyperalgésie (réponse exagérée à un stimulus douloureux). Les causes sont variées puisqu'elles surviennent parfois après une amputation (douleur fantôme), une chirurgie (douleur post-chirurgicale), une lésion de la moelle épinière, voire une infectieuse (zona, VIH) ou autre pathologie (diabète, sclérose en plaques…).
Selon la Dr Kathleen Martin Ginis, directrice du centre pour la prévention et la prise en charge des maladies chroniques, il est nécessaire de former les entraîneurs et les cliniciens à « mieux comprendre le langage utilisé par les athlètes atteints de lésions de la moelle épinière pour décrire leur douleur neuropathique ».
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