À l’issue du symposium organisé début mars à Marcoussis par la World Rugby, l'organisation chargée d'édicter les règles du rugby à XV et à VII a annoncé vouloir plancher sérieusement sur des évolutions majeures visant à mieux protéger les joueurs contre les blessures.
La World Rugby a déjà enclenché plusieurs mesures visant à améliorer la formation des entraîneurs. Le programme « Tackle Ready », annoncé par l'institution, consistera en une formation en 5 étapes pour améliorer l'enseignement du plaquage. Dans un avenir plus lointain, c'est un changement radical qui pourrait aussi être à l'étude : l'abaissement de la ligne de plaquage à la taille, c’est-à-dire l'interdiction de plaquer en dehors de l'abdomen et l'interdiction du plaquage simultané par deux joueurs ou plus.
La Fédération française de rugby (FFR), qui est à l'origine de cette réflexion et qui a mené une expérimentation auprès des clubs français amateurs de Fédérale 2 (la fédération des îles Fidji a fait de même), a réussi à convaincre les autres fédérations.
Selon les données de la FFR, l'application des nouvelles règles de plaquage est associée à une diminution des blessures : une blessure tous les trois matchs lors de la saison 2018-2019 contre une par match la saison précédente. En outre, les clubs de Fédérale2 ont observé une réduction des chocs à la tête de 60 % (quatre chocs par match en 2019 contre en 2018).
Les professionnels sauteront-ils le pas ?
Si l'introduction de ces nouvelles règles semble en bonne voie pour le rugby amateur, elle pourrait rencontrer plus de réticences dans le sport professionnel. « Nous aurons besoin de la collaboration des joueurs pour que de telles règles soient mises en place et aient un effet, précise auprès du « Quotidien » le Dr Éanna Falvey, médecin en chef de la World Rugby. Pour l'instant, certains pensent que ce n'est pas une bonne idée car cela peut mettre le plaqueur dans une situation de choix à laquelle il n'est pas habitué, plus à risque de blessure ».
Pour Didier Retière, directeur technique national de la FFR, « dans le rugby professionnel français, il n'y a pas eu comme dans le rugby amateur une série d'accidents mortels ayant provoqué une prise de conscience et, d'autre part, certains joueurs professionnels pourraient ne plus trouver leur place dans un rugby moins basé sur la confrontation ».
Les joueurs professionnels sont pourtant très exposés. Les données de la World Rugby font état d'une augmentation de 50 % du nombre de temps de jeu par match depuis 1987 (avant la professionnalisation des années 1990 donc), ce qui a généré une augmentation de 252 % du nombre de plaquages, et une hausse de 76 % du nombre de blessures.
Selon un travail réalisé en 2017 (1), il y a eu, au cours de la coupe du monde de 2015, 90 blessures pour 1 000 joueurs-heure de match. La sévérité moyenne des blessures était de 29,8 jours d'arrêt pour les blessures survenues au cours des matchs et de 14,4 jours. Les blessures les plus fréquentes étaient celles de la face (22 %), des genoux (16,2 %), les traumatismes musculaires (23,1 %) et ligamenteux (23,1 %). Des chiffres similaires à ceux de la précédente coupe du monde, sauf en ce qui concerne la gravité des blessures.
« Le nombre de blessure est stable depuis quatre à cinq ans malgré l'augmentation du nombre de plaquages, analyse auprès du Quotidien le Dr Éanna Falvey. La durée des arrêts augmente mais il est difficile de savoir si cela est vraiment dû à une augmentation de la sévérité des blessures ou à un effet de bord de la sensibilisation des clubs à ménager les joueurs. »
En France, un électrochoc a eu lieu en 2018, avec la mort de trois joueurs en moins de 7 mois. Lors d'un Grenelle organisé sur la santé des joueurs, les données de l'observatoire médical de la FFR montraient une augmentation de 40 % de sorties sur blessure lors des matchs du TOP 14 entre les saisons 2012-2013 et 2014-2015.
Protocole commotion
Sur le terrain, l'évaluation des blessures s'est améliorée, avec la mise en place de protocole commotion, c’est-à-dire un examen réalisé 10 à 12 minutes après la sortie du terrain pour suspicion de commotion. Ces examens sont listés dans la cinquième version du SCAT (Sport Concussion Assessment Tool) : ouverture des yeux, réponse verbale, réponse motrice, évaluation de la mémoire et du rachis cervical.
Un autre examen à 24 heures de distance doit être fait. « Pour le médecin généraliste qui serait alors sollicité, la meilleure chose à faire est un examen neurologique et la vérification de l'équilibre puis des symptômes dans quatre domaines : orthopédique, émotionnel (anxiété), vestibulo-oculaire et cognitif », détaille le Dr Falvey. La reprise de l'activité est progressive, elle commence par les activités cognitives (lecture), se poursuit par la reprise de la course seule et enfin le retour sur le terrain.
(1) Fuller CW et al, British Journal of Sport Medicine, DOI : 10.1136/bjsports-2016-096275
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