Les sportifs aussi font l’objet de burn-out. Appelé « syndrome de surentraînement », il se manifeste dans des sports d'endurance et se caractérise principalement par une baisse persistante des performances, malgré une mise au repos prolongée, et par une intense fatigue physique et mentale.
À Paris, l’équipe de Mathias Pessiglione, directeur de recherche à l'INSERM et responsable du laboratoire motivation, cerveau et comportement à l'ICM, a émis l'hypothèse d'une origine neurale du phénomène : le surentraînement induirait une fatigue au niveau du système cérébral du contrôle exécutif. « Fondé sur un ensemble de processus cognitifs de haut niveau, ce système intervient notamment dans la régulation de routines ou d'automatismes de bas niveau pour nous permettre d'atteindre des buts à long terme, précise Mathias Pessiglione. Lors d'entraînements intensifs ou prolongés, il permet à l'athlète de maintenir son effort alors que des signaux aversifs, telles des douleurs musculaires, l'incitent à l'arrêter. »
Le contrôle exécutif recrute un réseau préfronto-pariétal formé essentiellement de deux régions préfrontales latérales et de deux régions pariétales postérieures. Les chercheurs de l'ICM suspectaient qu'une de ces régions, le cortex préfrontal latéral gauche, est impliquée dans le syndrome de surentraînement.
40% d'entraînement en plus
En soumettant un groupe d'individus à une tâche cognitive exigeante, et un groupe contrôle à une tâche cognitive beaucoup plus légère, l'équipe a démontré que le système du contrôle exécutif était susceptible de se fatiguer à l'issue de l'équivalent d'une journée de travail, proportionnellement à la difficulté de la tâche. Cette fatigue est révélée par deux marqueurs, l'un comportemental (une impulsivité croissante), l'autre neural (une réduction de l'activité du cortex préfrontal latéral gauche au fil de la journée). L'étude a été publiée dans « PNAS » en 2016 (1).
Se produit-il la même chose dans le surentraînement sportif ? Pour le savoir, les neuroscientifiques ont recruté 37 triathlètes français de haut niveau. Ces derniers ont été répartis en deux groupes : un groupe contrôle et un groupe au sein duquel la durée de chaque séance d'entraînement a été majorée de 40% pendant trois semaines (2).
« Pour des raisons éthiques, nous ne pouvions induire un syndrome de surentraînement chez les participants, précise Mathias Pessiglione. Dès lors, nous les avons conduits vers un état d'"overreaching", de surmenage, qui peut être considéré comme une première étape vers le surentraînement. »
Plus grande impulsivité
Deux jours après la fin du programme d'entraînement, les triathlètes se sont rendus à l'ICM. Ils y ont réalisé un contre-la-montre de 45 minutes sur une bicyclette ergométrique, avec pour consigne d'accomplir une distance maximale. « Les performances du groupe « overreaching » ont été moins bonnes que celles du groupe contrôle et les sportifs ont jugé la tâche plus pénible. Ce qui montre que les critères d'un état de surmenage étaient remplis », dit Mathias Pessiglione.
Avant et après le contre-la-montre, les triathlètes ont été conviés à une tâche destinée à évaluer leur impulsivité, tandis que leur activité cérébrale était mesurée en IRM fonctionnelle. Les membres du groupe « surmenage » ont témoigné d'une plus grande impulsivité. L'activité de leur cortex préfrontal latéral gauche s'était par ailleurs réduite. Ainsi, comme dans l'expérience de 2016 centrée sur une journée de travail cognitif, un phénomène de fatigue a été observé au niveau du système du contrôle exécutif, à travers les mêmes marqueurs comportemental et neural. L'hypothèse sur laquelle travaille désormais les chercheurs est qu'il pourrait exister des liens étroits entre le surentraînement sportif et le burn-out au travail, même si ce dernier est une entité plus complexe.
(1) B. Blain et al., PNAS, 113(25), 6967, 2016.
(2) Article soumis pour publication.
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