Quelque 14 % des adultes tous âges confondus seraient touchés dans le monde par des acouphènes. Sans gravité, mais sans traitement curatif à ce jour, ce phénomène est considéré comme invalidant, voire très handicapant dans 1 à 2 % des cas, alerte en amont de la 27e édition de la journée nationale de l’audition (JNA) le 14 mars, l'association JNA.
Sifflements, bourdonnements, chuintements… Ces bruits, qui ne proviennent pas du monde extérieur, peuvent être perçus dans une seule oreille ou dans les deux, de manière continue ou intermittente, transitoire ou persistante. Ils résultent le plus souvent de pathologies de l'oreille (perforation des tympans, infections…) ou d'une exposition prolongée aux bruits intenses. En effet, face à une perte d'audition, le cortex auditif met en place des mécanismes de compensation : des sons qui n'existent pas - des sons fantômes - mais perçus comme tels par le système nerveux central, sans stimulation acoustique extérieure.
« On milite pour la reconnaissance de cette pathologie, qui n'est pas une maladie en soi mais qui occasionne des symptômes susceptibles d'engendrer de vraies maladies comme la dépression », mais aussi le stress, l’irritabilité, l’anxiété, etc., explique Roselyne Nicolas, vice-présidente de JNA.
Absence de traitement curatif, errance diagnostique
Selon une étude publiée ce 29 février par les associations JNA et France Acouphènes, auprès de 1 563 personnes concernées par les acouphènes, la première consultation par un professionnel de santé arrive en moyenne tardivement, 6,7 ans après les premiers symptômes. Ceux-ci surviennent en moyenne à 41,1 ans ± 15,5 ans, après un traumatisme chez les plus jeunes, ou à la suite de pertes auditives pour les plus âgés. Seulement 14,3 % des répondants avaient réussi à trouver une prise en charge jugée satisfaisante, et ce en moyenne neuf ans après la survenue de leurs acouphènes.
Par ailleurs, il n'existe pas de traitement curatif à ce jour. La prise en charge consiste le plus souvent à mettre en place une aide auditive, un appareillage qui permet une meilleure tolérance des acouphènes. La pose de prothèses émettant un bruit de fond, modéré mais permanent, appelé bruit blanc, peut aussi contribuer à masquer les acouphènes et soulager la gêne quotidienne.
Les répondants à ce questionnaire (entre octobre 2023 et février 2024) évaluent leur reste à charge moyen à 1 079,85 euros par an lié en particulier au mauvais remboursement d’un masqueur d’acouphènes (ou à des thérapies alternatives ou non remboursées). Un fardeau économique, qui s’ajoute à la souffrance physique et morale. Parmi les participants, 11,4 % ont par ailleurs dû changer d'emploi ou de poste de travail ; 16 % ont eu au moins un jour d’arrêt de travail à cause de leurs acouphènes.
Troubles de l’attention et rapport altéré à la musique
Le projet Audicog mené par Séverine Samson (professeur de psychologie à université de Lille), le Dr Alain Londero et les équipes à l'AP-HP (hôpital européen Georges-Pompidou et de la Pitié-Salpêtrière) et à l'Institut du cerveau, avec le soutien de la Fondation pour l'audition, vient de livrer ses premiers résultats. L'étude a été menée sur 300 personnes, âgées de 18 à 60 ans, hommes et femmes, dont 150 souffrant d’acouphènes (les autres servant de témoin).
« On a fait des tests exhaustifs de l'attention, de la mémoire, de la cognition, avec en complément des études d'imagerie cérébrale », expose Séverine Samson. Ces tests ont mis en évidence « des troubles de l'attention » chez les personnes souffrant d'acouphènes, soit une vigilance moins forte à des signaux d'alerte, résume le Dr Alain Londero. Autre résultat majeur : un rapport altéré à la musique, les participants atteints d'acouphènes jugeant désagréable l'écoute d'extraits musicaux.
Pour les médecins, ces résultats incitent à considérer les aspects cognitifs et socio-émotionnels lors d'une prise en charge pour des acouphènes, au-delà de la seule sphère auditive. « Cela ouvre la porte à des techniques de rééducation, ciblées sur le dysfonctionnement identifié, comme de la musicothérapie », illustre le Dr Londero.
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