Après un parcours hospitalier de 10 ans, Joséphine*, médecin généraliste, a décidé de s’installer en libéral. Elle saute le pas en 2016 dans un cabinet partagé avec neuf autres professionnels de santé. Son temps de travail se répartit sur cinq jours par semaine de 8 h 30 à 21 heures. Cette amplitude lui permet de voir au cabinet en moyenne 25 patients par jour et, de temps en temps, de s’occuper de patients en visites à domicile. Sa patientèle se compose de 2 500 personnes dont 2 000 l’ont choisi comme médecin traitant. « À cela s’ajoute le côté administratif… Appeler les patients, regarder les analyses », souligne Joséphine. Sans oublier les soins non programmés qui représentent quatre à cinq patients par jour.
Des postes de dépense non négligeables
Logiciel médical, abonnement TPE, au site Vidal et à l’outil de prise de rendez-vous en ligne Doctolib, loyer… Autant de dépenses à retirer à son chiffre d’affaires. Parmi les plus gros postes de dépenses arrive en tête le loyer avec une augmentation constante depuis 2016, comme le rappelle Joséphine. « Avec l’inflation, mon loyer n’a pas arrêté de changer. À cela s’ajoutent des fluctuations selon le nombre d’associés présents dans le cabinet. Avec le service de ménage et une secrétaire compris dans les charges, ce poste a commencé à 1 800 euros pour arriver à 2 500 euros », témoigne la généraliste. Les autres coûts importants sont le logiciel médical à raison de 300 euros par mois et l’abonnement à Doctolib qui représente 250 euros par mois.
Côté comptabilité, en plus de son comptable, la praticienne fait appelle à une association de gestion agréée (AGA) qui vérifie les comptes. « Mes confrères ne dépensent pas autant à ce poste mais je veux être sûr qu’il n’y ait aucun problème de ce côté », précise-t-elle. Pour finir il faut déduire les cotisations à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf), et l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) soit respectivement 1 400 et 900 euros par mois dans le cas de cette praticienne. Pour rappel, la Carmf applique un forfait en fonction de la tranche de bénéfices non commerciaux (BNC) dans laquelle se trouve le médecin. L’Urssaf est recalculée tous les deux ans en fonction du chiffre d’affaires examiné, comme le précise Joséphine.
Côté matériel, cette omnipraticienne a fait le choix du « leasing pour les imprimantes ». Un choix qu'elle regrette et considère comme « une grosse arnaque » qui lui coûte 160 euros par mois. Elle souligne qu’il ne faut pas oublier l’investissement lors de l’installation : achat des meubles, de la table de consultation, matériel de consultation… « À Paris, ce n’est pas comme en Province où on vous fournit un cabinet tout beau clefs en main », renchérit-elle.
Quels bénéfices ?
À l’arrivée, quels sont ses gains ? Que lui reste-t-il à la fin de l’année ? À raison de 25 patients par jour à 25 euros (puis 26,50 euros à partir de novembre 2023) par consultation, son chiffre d’affaires de l’année dernière s’élève à 148 000 euros dont 10 % proviennent de la rémunération sur objectif de santé publique (Rosp). De ce côté, la médecin « coche toutes les cases », estime-t-elle. Une fois les charges professionnelles déduites, son BNC, c’est-à-dire la somme déclarée au fisc est de 70 897 bruts par an. À cela il faut retirer les impôts soit 27 %. Il reste donc dans la poche de Joséphine 51 755 euros nets par an, soit un revenu de 4 313 euros par mois. « Les revenus d’un médecin généraliste sont très variables selon les régions, et le nombre de patients dont il est le médecin traitant. Le type de patientèle joue aussi, il y a des bonus dans le cas de personnes âgées ou précaires. Les forfaits patientèle médecin traitant et structure permettent de faire des gains non négligeables. Dans le cas de Joséphine, ses revenus nets sont légèrement en dessous de la moyenne », souligne Paul Frappé, président du Collège des médecins généralistes.
Il existe une véritable problématique autour des personnes qui consomment de la médecine. Il y a une perte de respect pour notre statut
Pour Joséphine, le désavantage du statut de médecin généraliste libéral réside dans le mode de rémunération : « Il faut multiplier les actes pour espérer des revenus à la hauteur de nos études et de nos responsabilités ». De plus, Joséphine soulève qu’« il existe une véritable problématique autour des personnes qui consomment de la médecine. Il y a une perte de respect pour notre statut ». Malgré tout, elle estime que l’intérêt de ce métier est de mélanger soins, urgences et prévention.
* Le prénom a été modifié
La nouvelle convention, ça changera quoi ?
Passage de la consultation à 30 euros, refonte des forfaits, les revenus des généralistes devraient évoluer dans quelques mois. Quelques exemples de changements qui devraient intervenir dans les prochains mois.
À partir du mois de décembre 2024, le G passe à 30 euros. Les consultations dites longues dans le cadre d’un médecin traitant (GL) seront facturées 60 euros, à compter du 1er janvier 2026. Cependant elles ne le seront qu’une fois dans l’année dans le cas des patients de plus de 80 ans en cas de sortie d’hospitalisation, de consultation de déprescription, de patients hyperpolymédiqués ou de consultation d’orientation vers un parcours médico-social.
Autre changement : l’Assurance-maladie dans sa démarche de « revalorisation du médecin traitant » créé un forfait unique. Il y aura une majoration de 10 % du forfait médecin traitant (FMT) de manière pérenne (chaque année) pour les médecins installés en zone d'intervention prioritaire (ZIP) et/ou en quartiers prioritaires de la ville (QPV) et une majoration complémentaire pour les jeunes installés et les médecins de plus de 67 ans. La prévention est encouragée à travers une majoration prévention adossée au FMT de cinq euros par patient pour chaque « indicateur » validé/réalisé parmi les quinze retenus pour 2026. Par exemple pour les dépistages de cancers, la vaccination…
Pour les médecins dans les territoires ultramarins et en Corse la convention prévoit la création d’une MD « Montagne » en métropole et en DROM de 15 euros.
De même pour les médecins primo installés en ZIP ou en zone d'aménagement concerté (ZAC), il leur sera attribué une aide ponctuelle à l’installation de 5 000 à 10 000 euros versée dès 2026. Dans le cadre de la création ex nihilo d’un cabinet secondaire en ZIP, le médecin pourra percevoir une aide ponctuelle de 3 000 euros. Les consultations avancées en ZIP seront de 200 euros par demi-journée et une majoration de 10 % dans le cadre du forfait médecin traitant est prévue.
L’emploi d’un assistant médical est valorisé avec l’assouplissement des conditions pour les médecins de plus de 65 ans et les primo installés ainsi que l’ouverture de la possibilité de mutualiser un assistant médical entre médecins et possibilité d’aller au-delà d’un équivalent temps plein (ETP).
Enfin la prise en charge des soins non programmés est renforcée grâce à la création d’une majoration de cinq euros sur toutes les consultations et visites le soir et le week-end. Attention elle intervient dans le cadre des horaires de permanence des soins ambulatoires (PDSA). Les majorations ne peuvent être utilisées qu’en cas d’urgence et après régulation. Dans le cadre de visites d’urgence une majoration de 10 euros est appliquée et de 6,50 euros la nuit et le week-end. Enfin les soins non programmés régulés de 19 heures à 21 heures sont augmentés de cinq euros.
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