C’est souvent dans une situation de crise que les bonnes idées émergent. À Nieul-le-Dolent, ville de 2500 habitants en plein cœur de la campagne vendéenne, le départ précipité du dernier généraliste, en novembre 2021, a donné naissance au projet de cabinet collaboratif, porté à bout de bras par une équipe paramédicale dynamique, la mairie, les médecins des communes limitrophes et un pool de confrères remplaçants.
Le concept : un lieu dédié aux soins type maison de santé ; une présence minimum sur place (une infirmière Asalée et une secrétaire médicale) ; quatre généralistes installés aux alentours engagés dans la démarche ; un réseau d’anciens étudiants de l’un d’entre eux devenus remplaçants ; et un agenda numérique partagé pour que chacun donne un peu de son temps médical à cette commune où vivent nombre de patients âgés, fragiles et non motorisés. « C’est de la médecine générale multicéphale, se félicite le Dr Élie Rocheteau, remplaçant dans les locaux ouverts en avril 2022. La rotation des intervenants n’a pas toujours été facile à accepter par les patients, mais on a réussi à tenir le cabinet ouvert quatre jours par semaine en moyenne avec ce système. » Une interne en médecine générale de stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (Saspas) est venue renforcer l’équipe. Si les premières consultations ont été assurées par les médecins titulaires, les créneaux ont été rapidement remplis par les remplaçants.
La Dr Marianne Baudinat est l’une d’entre elles. Selon la généraliste, rien n’aurait été possible sans l’engagement de la mairie, qui a investi 230 000 euros dans les locaux et salarie la secrétaire médicale. « Pour une petite ville, ce genre d’investissement se fait au détriment d’autres projets, c’est un vrai choix politique », insiste-t-elle.
Ironie de l’histoire, les facteurs bloquants se sont davantage révélés du côté des tutelles sanitaires et de l’Ordre des médecins. « On ne rentrait pas dans les cases, se souvient le Dr Rocheteau. L’Ordre voulait que les médecins titulaires reprennent toute la patientèle ou rien. C’était trop lourd. Chaque patient a dû récupérer son dossier. Dans cette opération, on a perdu beaucoup d’énergie et de temps. »
Se libérer du conformisme
Pour éviter d’en perdre davantage, la fine équipe a concocté l’organisation suivante : chaque mois, un médecin titulaire est désigné comme médecin remplacé et les contrats (de médecins adjoints) sont faits en son nom. À la fin du mois, il effectue une rétrocession de 85 % de la recette à chaque remplaçant. C’est fastidieux, mais moins à plusieurs qu’en solo. Après avoir bagarré, les médecins remplaçants ont pu exercer par dérogation dans le cabinet collaboratif en même temps que « leur » médecin titulaire dans son cabinet.
Reste quelques soucis, plus ou moins résolus par la débrouille. Dont le casse-tête de l’utilisation des cartes CPS entre titulaires et remplaçants et l’accès aux téléservices. Les feuilles de soins sont donc dématérialisées au fil de l’eau par les remplaçants grâce à une carte professionnelle d’établissement (CPE) puis synchronisées avec la CPS des praticiens titulaires à chacun de leur passage à Nieul-le-Dolent, quelques fois par mois. Même le nouveau statut du Dr Rocheteau, qui a décidé de s’installer pour de bon, fleure bon la singularité. Entre le titulaire et le remplaçant, le jeune médecin, qui apprécie « se libérer du conformisme », est « associé probatoire », explique-t-il dans un sourire. Un peu bancal, mais original.
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