Avec un simple casque de réalité virtuelle, il est aujourd'hui possible de se promener dans une tête humaine en développement. Les travaux de recherche ayant permis cette modélisation tridimensionnelle ont fait l'objet d'une publication dans la revue Cell.
Élaborée par l'équipe d'Alain Chédotal, directeur de recherche Inserm à l’Institut de la vision (Inserm/CNRS/Sorbonne Université) et professeur au laboratoire MéLiS des Mécanismes en sciences intégratives du vivant (Inserm/CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/Hospices civils de Lyon), cette carte 3D de la tête humaine en développement est un outil qui pourra considérablement améliorer les connaissances scientifiques.
« Les tout premiers stades de développement des glandes salivaires et lacrymales n’avaient jamais pu être étudiés chez l’être humain, rapporte Alain Chédotal dans un communiqué. Nos travaux nous ont permis de commencer à visualiser et à mieux comprendre les mécanismes à l’origine de la mise en place de ces structures extrêmement complexes anatomiquement ». Cette carte 3D permettra également de mieux comprendre les anomalies congénitales causant des malformations, espère le chercheur.
Jusqu'à récemment, les connaissances sur les mécanismes qui contrôlent le développement de la tête humaine étaient rudimentaires et provenaient d’études réalisées pour la plupart dans la première moitié du XXe siècle, à l’aide de simples coupes histologiques. Or, depuis 10 ans, l’embryologie humaine a regagné l'intérêt des chercheurs, grâce aux nouvelles technologies. « Dans ce domaine, des publications sortent toutes les semaines. Rien que la semaine dernière, une publication sur le développement des membres humains, dont je suis co-auteur, est parue dans Nature », illustre Alain Chédotal.
Une technologie innovante
Pour cartographier la tête humaine en développement, l'équipe d'Alain Chédotal a utilisé une méthode innovante : la transparisation. Couplés à des molécules fluorescentes, des anticorps vont être diffusés dans ces organes rendus transparents et se fixer à des protéines spécifiques. L'échantillon transparisé est ensuite imagé en 3D à l'aide d'un microscope spécial qui scanne avec une fine feuille de lumière laser.
« Il reprend une technologie ancienne, qui avait été oubliée pendant presque 80 ans. Ce microscope à feuille de lumière permet de ne pas couper l'échantillon, qui est balayé par le laser plan par plan. Pour scanner un tissu de 2 cm, il faut environ deux heures, c'est très rapide. Avec différents anticorps, nous pouvons visualiser jusqu’à quatre types cellulaires en même temps. Par échantillon, nous obtenons une centaine d’images qui sont ensuite modélisées en 3D sur l'ordinateur. Chaque élément peut être colorisé par réalité virtuelle », décrit Alain Chédotal.
Cette technique a été utilisée avec des embryons à différents stades de développement, issus de la biobanque de tissus humains constituée dans le cadre du programme HuDeCA (Human Developmental Cell Atlas), coordonné par l’Inserm. Ces données permettent de créer des modèles pour l’impression 3D et des reconstructions 3D interactives d’embryons humains. Une courte vidéo explicative de ces travaux est disponible sur Youtube.
Des données en libre accès pour le grand public et les scientifiques
Sur ce site d'HuDeCA, l'équipe de recherche a mis en ligne gratuitement toutes les données obtenues. Avec un casque de réalité virtuelle, le grand public peut se promener virtuellement dans un embryon et visualiser nerfs, cartilages et artères. D'autres fichiers sont également mis en libre accès pour une visualisation sur ordinateur ou tablette, dans un objectif plutôt pédagogique.
« Pour l'instant, il y a un modèle 3D pour le squelette et un pour les artères. Nous compléterons petit à petit. » Il y a également 80 tera d'images, accessibles spécifiquement pour les scientifiques. « Ce sont les données brutes, qui sortent du microscope », précise Alain Chédotal, en soulignant que le lendemain de la mise en ligne, 12 personnes avaient déjà demandé l'accès à certaines de ces données brutes. « Quelqu’un spécialisé dans le développement des nerfs va pouvoir reconstituer le développement des nerfs de la tête, visualiser quand ils arrivent sur leur cible, comment ils se branchent, comment ils passent dans le squelette et interagissent avec lui », cite-t-il en exemple. En parallèle, des techniques faisant appel à l'intelligence artificielle sont en développement afin de simplifier l'analyse des données.
Le développement des organes du corps entier
Alain Chédotal commente : « Pour l’instant, c’est une carte assez grossière. Il faut l’affiner en ajoutant des marqueurs complémentaires, à différents âges et en tenant compte de paramètres qui peuvent influencer le développement comme le sexe de l'embryon ». Dans le communiqué, il ajoute avec humour : « À ce stade, c’est un peu comme si nous avions cartographié les continents et les pays mais qu’il nous restait à positionner les villes et les habitants ».
La technique développée par son équipe peut également s'appliquer à l'ensemble des organes du corps humain. Plusieurs projets ont d'ores et déjà commencé et s'intéressent au développement des poumons, des organes reproducteurs ou du squelette, liste-t-il.
Il y a sept ans, Alain Chédotal avait appliqué pour la première fois ces techniques de transparisation à un embryon humain et cartographié certains organes. Les résultats avaient été publiés dans la revue Cell en mars 2017, une information relayée à l'époque dans Le Quotidien. « Aujourd'hui, les microscopes ont une résolution à peu près 25 fois plus élevée, les échantillons scannés peuvent être bien plus gros, nous avons pu aller à des stades de développement plus tardifs et la qualité des images est meilleure. C'est un travail bien plus complet », estime Alain Chédotal.
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