À l'occasion des 10 ans d’Imagine, la Pr Bana Jabri, qui prendra ses fonctions en tant que directrice générale de l’institut en janvier prochain, a dévoilé les grandes orientations de la feuille de route à l'horizon 2035. Le maître mot de la future nouvelle dirigeante est l'attractivité. Ayant travaillé à l'international, la Pr Jabri a constaté le retard français en la matière. « À l'étranger, on donne beaucoup plus de flexibilité aux jeunes chercheurs qui peuvent directement se retrouver à la tête d'une équipe, sans être sous la responsabilité d'un chef de laboratoire, pour peu qu'il ou elle soit capable de trouver des financements et de publier », explique la Pr Jabri qui a consacré plus de 20 ans de carrière à étudier les maladies cœliaques à l’université de Chicago. L’institut va ainsi ouvrir de nouvelles chaires de professeurs juniors autour de sa thématique phare, la génétique, et souhaite créer un site dédié à la connaissance et à la biologie des systèmes.
Outre les questions d'indépendance et de responsabilité qu'elle souhaite développer, l'IHU va, à l’avenir, mettre des moyens financiers conséquents pour attirer les talents. Actuellement, les candidats qui souhaitent entrer à Imagine ne disposent d'aucune garantie quant à leur poste exact et au budget attribué : tout se négocie en aval, comme c'est la coutume dans la recherche française en général. « C'est exactement l'inverse de ce qui se passe partout ailleurs dans le monde !, s'étonne la Pr Jabri. En Allemagne ou en Angleterre, quand on ouvre un poste, on prépare en avance un “package” complet. L’Institut Pasteur avait fait quelque chose de similaire avec des groupes de recherche à cinq ans, mais en France ce n'est pas quelque chose d'habituel. » Selon des chiffres avancés par la Pr Jabri, un chercheur qui prend un poste en France dans une équipe Inserm peut espérer disposer de 200 000 euros sur 5 ans pour mener ses travaux contre « au moins 2 millions d'euros » dans une grande faculté américaine ou un centre de recherche britannique ou allemand. « Et ne parlons pas de la Suisse ! » ajoute-t-elle.
Des premiers packages de 1,5 million en préparation pour le recrutement
D'un point de vue légal et statutaire, rien n’empêche la Pr Jabri de mettre en place sa nouvelle politique, comme l'ont confirmé les différentes auditions qu'elle a faites ces derniers mois. « De par son statut de fondation privée, l'institut va pouvoir investir rapidement et avec flexibilité, espère-t-elle. C’est essentiel si on veut rester à la pointe en matière de plateforme technologique. Il faut aussi être capable de proposer des salaires supérieurs aux ingénieurs », travaillant par exemple dans le domaine de l'intelligence artificielle ou de la gestion de bases de données. L'IHU disposerait même d'atouts dont ses « concurrents » anglo-saxons sont dépourvus. « La médecine universelle française permet de vraiment développer des projets originaux, sans l'énorme pression de l'argent qui règne aux États-Unis », précise la Pr Jabri.
Le Pr Jabri travaille en ce moment à sécuriser les premiers « Package » de 1,5 million d'euros pour les prochains recrutements de l'IHU Imagine. Et pour financer tout cela, « nous avons engagé des philanthropes sur le thème de la jeunesse, précise-t-elle. Des gens qui n'auraient pas donné si nous ne mettions pas en avant la thématique de la jeunesse et des jeunes talents. »
Retour à la physiologie et à la « matière noire du génome »
Outre des efforts sur les sciences de la donnée et l’intelligence artificielle, la Pr Jabri envisage un véritable renversement dans la manière même dont les travaux de l'institut sont menés. Depuis des années, l'IHU a accumulé des données sur les gènes responsables des maladies rares grâce aux travaux en biologie moléculaire et au séquençage de l’exome, ce qui a permis de développer le diagnostic. « Il est maintenant temps de retourner à la physiologie et de comprendre le rôle de ces gènes, d’intégrer ces maladies héréditaires dans des modèles de maladies complexes, explique la Pr Jabri. Nous ne pouvons plus nous contenter de travailler sur un seul organe, mais dialoguer avec les spécialistes des autres organes, les spécialistes de l'immunité et de la génétique, etc. Imagine est un carrefour de connaissances pour réfléchir de façon beaucoup plus globale. » Un autre axe de recherche prioritaire résidera dans l'exploration et la compréhension de la « matière noire du génome », c’est-à-dire les 98 % du génome qui ne sont pas codant.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?