C’est une récompense à laquelle on pouvait s’attendre. La fondation Lasker a récompensé ce 19 septembre le Pr Joel Habener, Svetlana Mojsov et Lotte Bjerre Knudsen pour leur rôle décisif dans la découverte et la mise au point des agonistes des récepteurs du GLP-1, à l’origine d’une véritable révolution dans le traitement des maladies métaboliques.
Le Pr Joel Habener, endocrinologue à l’hôpital général du Massachusetts, identifie le premier le glucagon-like peptide-1 (GLP-1) chez le poisson en 1982. La chimiste Svetlana Mojsov (Université Rockefeller) met au jour pour sa part la séquence active du GLP-1, démontre sa présence dans l'intestin et en synthétise une forme pure, tandis que la chercheuse danoise Lotte Bjerre Knudsen (travaillant pour le laboratoire Novo Nordisk) complète le trio pour avoir réussi à exploiter cette découverte et en faire un médicament. En particulier, elle parvient à stabiliser cette molécule et à améliorer sa demi-vie dans l’organisme qui passe de quelques minutes à une semaine.
Interrogée par l’AFP, Svetlana Mojsov a mis en garde contre la tentation de considérer les analogues de GLP-1 comme des « médicaments miracles », rappelant qu’ils « ne devraient jamais être pris pour des raisons cosmétiques ».
Ozempic, Wegovy, Mounjaro ou encore Zepbound sont aujourd’hui indiqués dans le diabète de type 2 ou l’obésité. Ces traitements ont entraîné un tel engouement qu'ils sont parfois détournés pour perdre quelques kilos jugés superflus. « Le grand succès est de pouvoir traiter l'obésité et c'est ce à quoi nous devrions nous tenir », a martelé Svetlana Mojsov, 76 ans, en rappelant les effets secondaires de ces médicaments, notamment gastro-intestinaux.
Une découverte fortuite
Lorsque Svetlana Mojsov démontre que le GLP-1 stimule la sécrétion d'insuline par le pancréas, permettant de faire baisser le taux de glucose dans le sang, elle pense en priorité à son potentiel contre le diabète. « Nous n'avions pas vraiment la perte de poids à l'esprit car l'obésité n'était pas un problème aussi marqué à l'époque », explique le Pr Joel Habener, 87 ans.
De plus, dans les années 1980, « il n'existe aucune preuve scientifique que les hormones régulent le poids », ajoute Svetlana Mojsov. Ce n'est que par hasard, en conduisant de vastes essais cliniques, que les scientifiques se rendent compte que les patients maigrissent. Les chercheurs comprennent peu à peu que le GLP-1 ralentit la vidange de l'estomac, mais aussi qu’il agit dans le cerveau, en influant sur la sensation de satiété. Une trouvaille décisive.
Une histoire encore en cours d’écriture
Le premier agoniste du GLP-1 commercialisé, le liraglutide (Saxenda), est commercialisé par Novo Nordisk en 2010 aux États-Unis dans le diabète de type 2, puis en 2014 dans l'obésité. D’autres médicaments de la même classe thérapeutique l’ont depuis rejoint. Le laboratoire américain Eli Lilly a de son côté développé le tirzépatide, une molécule associant le GLP-1 à une autre hormone gastro-intestinale, le GIP, ce qui pourrait selon Svetlana Mojsov réduire les effets secondaires.
« Il se peut que nous arrivions à une nouvelle génération » associant différentes hormones, estime-t-elle. « Ozempic n'est pas forcément la solution finale », mais « a ouvert la voie », ajoute-t-elle. Les chercheurs explorent de nombreuses autres indications : apnées du sommeil, addictions, maladies rénales, du foie ou même neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer)…
Deux autres prix ont été attribués par la fondation Lasker aujourd’hui : celui de la recherche fondamentale a été décerné au biochimiste sino-américain Zhijian James Chen (centre médical Southwestern de l’université du Texas) pour la découverte de l'enzyme cGAS capable de distinguer l'ADN étranger et l'ADN du soi, résolvant le mystère de la façon dont l'ADN stimule les réponses immunitaires et inflammatoires.
Le couple d’épidémiologistes sud-africains, Quarraisha Abdool Karim et Salim S. Abdool Karim (tous les deux professeurs à l’université de Columbia), ont quant à eux reçu le prix Lasker-Bloomberg pour le service public, en récompense de leurs travaux sur les facteurs sociaux responsables de la dynamique de l’épidémie d’infection à VIH.
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