Travailler en groupe quand on est médecin libéral, c’est normalement gage de mutualisation avec les confrères de la permanence des soins, de partage des dossiers médicaux et du système d’information. Gage, donc, d’amélioration des conditions de travail et, sur le papier, d’accès aux soins. Mais est-ce si vrai que cela ?
La Drees (ministère de la Santé) a tenté d’y voir plus clair dans une étude publiée le 23 mai, qui compare la disponibilité des généralistes selon leur mode d’organisation. Les données ne sont pas de première fraîcheur (l’enquête a été conduite entre octobre 2018 et avril 2019) mais elles apportent un éclairage intéressant sur quatre façons d’exercer la médecine générale libérale (en solo, en cabinet de groupe monodisciplinaire ou pluridisciplinaire et en maison de santé). Résultat, la disponibilité des médecins diffère selon leur mode d’organisation, mais pas forcément comme on l’imaginerait.
Être jeune et dans un désert n’aide pas
Le panel étudié est composé de 38 % de généralistes exerçant seuls et 62 % en groupe – dont 32% en cabinet monodisciplinaire, 18% en groupe pluriprofessionnel (toutes structures sauf les maisons de santé) et 12 % en maisons de santé .
Premier enseignement : 49 % des médecins exerçant seuls refusent de nouveaux patients en tant que médecin traitant, contre 59 % de ceux exerçant en cabinet de groupe monodisciplinaire et 58 % de ceux exerçant dans un groupe pluriprofessionnel (hors maison de santé). Dit autrement, les généralistes sont moins prompts à ouvrir leur patientèle lorsqu’ils exercent en groupe (et spécialement entre omnipraticiens).
La Drees juge que la raison principale de ces écarts vient des « profils des médecins eux-mêmes ». Ceux qui exercent en groupe avec d’autres spécialistes sont plus jeunes et plus fréquemment installés dans des déserts médicaux. Or, 59 % des 30-40 ans déclarent refuser des patients en tant que médecin traitant, contre seulement 51 % de ceux de 60 à 70 ans. De plus, 63 % des généralistes pratiquant en zone sous-dotée déclarent refuser des nouveaux patients en tant que médecin traitant, contre 47 % dans les zones les mieux dotées. Ceci explique donc cela, davantage que le mode d’exercice.
En réalité, souligne l’étude, les analyses (toutes choses égales par ailleurs) montrent « en définitive que seul l’exercice en groupe monodisciplinaire est significativement associé à une probabilité plus élevée que le médecin déclare être amené à refuser des nouveaux patients en tant que médecin traitant ».
Les maisons de santé, victimes de leur succès
La même logique variable s’applique pour les patients occasionnels. Un gros tiers (37%) des généralistes en solo leur ferme la porte, ce qui est peu. Mais c’est le cas de 59 % de ceux exerçant en groupe pluriprofessionnel.
Tous exercices confondus, un médecin sur deux (55%) se voit contraint d’allonger ses délais de rendez-vous. La Drees note une différence de près de 20 points entre les omnipraticiens seuls (seuls 45% répondent par l’affirmative sur l’allongement forcé de leurs délais) et ceux exerçant avec des confrères d’autres spécialités hors maison de santé (63 %). Là encore, la Drees dégage un « effet générationnel » et un « effet de l’offre de soins du territoire ». Un généraliste chevronné et soignant seul acceptera plus facilement un patient de passage.
Un troisième effet paradoxal est à prendre en compte pour analyser la pratique des médecins de maison de santé, qui ne brillent pas par leur disponibilité pour les patients occasionnels. Malgré leur amplitude horaire accrue, ces structures pluripro « sont peut-être aussi mieux identifiées, et donc plus sollicitées par les patients en recherche de solutions de soins ponctuelles de sorte que, in fine, les refus n’y soient pas moins fréquents. » Elles sont en quelque sorte victimes de leur succès.
Le pouvoir du collectif, malgré tout
Enfin, concernant les demandes de soins non programmés (SNP, pour le jour même ou le lendemain), la Drees note encore une fois la plus grande disponibilité des médecins exerçant seul pour les patients, même si, au global, les chiffres confirment un réel problème général d’accès aux soins. Car s’ils ne sont « que » 44 % des généralistes en solo à se déclarer en mesure de prendre en charge ces consultations imprévues, ils sont encore moins (32%) parmi ceux qui exercent en groupe. En revanche, précise l’étude, ces derniers se disent davantage armés pour assumer les soins non programmés à l’échelle de la structure. Dès lors, « 49 % d’entre eux déclarent qu’une organisation collective permet la prise en charge des SNP de façon systématique, de sorte, in fine, que 58 % des médecins généralistes en groupe déclarent être disposés à proposer systématiquement une prise en charge des SNP via leur organisation individuelle ou collective ».
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