En dépit des promesses de « jeux les plus inclusifs de l'histoire », les Jeux olympiques de Paris, qui se tiendront du 26 juillet au 11 août 2024, pourraient avoir un impact dévastateur sur les personnes en état de précarité. C'est en tout cas la crainte exprimée par le collectif « Revers de la médaille » créé en septembre dernier avec 80 associations.
L'accès aux soins est tout particulièrement menacé par la mise en place d'espaces sécurisés aux alentours des lieux où se déroulent les compétitions et les festivités. « Nous demandons un accès facile vers les hôpitaux qui se situeront dans ces zones, en particulier pour les maladies chroniques, insiste Bénédicte Maraval, du comité pour la santé des exilés (Comede). Nous travaillons actuellement avec les hôpitaux sur un système de laissez-passer. » Les suivis de grossesse cristallisent l'inquiétude des intervenants.
La réduction des risques particulièrement impactée
Pour Manon Contin, superviseure santé du programme de réduction des risques pour l’Île-de-France pour Médecins du monde : « Au niveau de la halte d’accueil pour usagers de drogues située à côté du stade Arena Adidas, on voit déjà beaucoup de répression policière et de camions de CRS positionnés à côté des structures d'accueil. Les usagers ont du mal à accéder à ces services, surtout ceux qui ne sont pas en situation régulière. Lors de nos maraudes dans les lieux touristiques, nous constatons aussi une chute brutale de la fréquentation. Il y a un risque élevé de pertes de vue ! Les usagers pourraient aussi être tentés de consommer de fortes doses pour éviter d'être contrôlés avec des produits sur eux. »
De plus, des parcours de soins vont être interrompus dans les structures qui se situent à l'intérieur des périmètres de sécurité prévus : le Csapa* Sleep In du groupe SOS 75, l'espace de repos des associations Gaïa et Aurore ainsi que les Csapa et Caarud** EGO (Espoir Goutte d’or) qui assurent un accueil de jour et des programmes d'échange de seringues.
La sécurisation de quartiers pourrait perturber la distribution d'aide alimentaire, dont dépendent 30 000 personnes quotidiennement. Le collectif demande donc que les camions des diverses associations qui gèrent les lieux de distribution puissent circuler. Le collectif demande aussi que soit garanti l'accès à l'eau potable, via les fontaines publiques, ainsi que des titres de transport pour les personnes ayant peu de ressources. Rappelons que la RATP a prévu d'adopter des tarifs spéciaux pendant les jeux : 16 euros la journée et 70 euros la semaine, le ticket de métro passant lui à quatre euros.
Vancouver, un précédent qui effraie
La grande hantise des associations est que les Jeux olympiques de Paris aboutissent au même « nettoyage social » que celui déjà documenté lors des précédentes éditions et en particulier lors des Jeux de Vancouver en 2010. « Vancouver a été la première ville à remporter l'organisation des Jeux olympiques avec un dossier dans lequel le social et l'inclusivité occupaient une place importante, se souvient Nathan Crompton, historien à l'université Simon Fraser (Colombie-Britannique) et militant canadien pour l'accès aux droits. Mais la plupart des promesses n'ont pas été tenues. »
Par exemple, la municipalité et le comité organisateur avaient promis de transformer le village olympique en résidences sociales. Or, « seulement un quart du village olympique a effectivement été transformé en logements sociaux et il a vraiment fallu se battre longtemps pour obtenir ce résultat » , insiste Tintin Yang, du syndicat des locataires de Vancouver. Dans le même temps, la police canadienne a multiplié les actions pour expulser toute la population précaire du centre-ville, via l’évacuation de squats, mais pas seulement. « Leur tactique favorite était de dresser des amendes de plus de 200 dollars pour des motifs dérisoires comme uriner en public ou traverser en dehors des clous, détaille Nathan Crompton. Ainsi, les personnes sans domicile fixe entraient dans le système judiciaire. Et comme elles n’étaient pas en mesure de payer, ils finissaient généralement en prison. »
La mise à l’abri en région loin d’être satisfaisante
Selon les associations françaises, la même stratégie serait déjà à pied d’œuvre à Paris. « Nos observations montrent un accroissement des expulsions et des mesures d'éloignement des personnes en situation de rue », affirme Carole Painblanc, avocate au barreau de Paris et membre de l'association Barreau de Paris Solidarité. Ainsi, dans le bois de Vincennes, les avocats participant aux maraudes ont constaté une augmentation de la présence policière et d'obligations de quitter le territoire (OQTF). Le 29 janvier dernier, la situation a poussé la Défenseure des droits Claire Hédon à se saisir du dossier.
Entre septembre et décembre 2023, 14 opérations de mise à l’abri ont été menées par les autorités, avec envoi des sans domicile fixe vers les sas régionaux. « Selon les chiffres de la direction générale des étrangers en France du 15 novembre dernier, 38 % trouvent effectivement une place d'hébergement, tandis que les autres se retrouvent à solliciter le 115 en région, regrette Paul Alauzy, coordinateur chez Médecins du monde. Le 115 n'a pas plus de moyens en province qu'à Paris, aussi se retrouvent-ils de nouveau à la rue et reviennent éventuellement à Paris. » Autre crainte : de nombreux hôtels sont en train de rompre leur convention avec l’État (places réservées aux personnes en situation de précarité) pour accueillir les touristes lors des JO. La Drhil (direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement) d'Île-de-France n'a pas encore donné de chiffres à ce sujet.
* Centre de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie
** Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?