À partir du 6 novembre prochain, le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration va être discuté en séance publique au Sénat. Parmi les amendements retenus lors de son passage en commission, plusieurs mesures visent à restreindre l'accès aux soins des étrangers présents sur le sol français, ce qui inquiète le comité consultatif national d'éthique (CCNE) qui exprime sa vive inquiétude dans un communiqué publié ce jeudi 12 octobre.
L'un des amendements des députés LR cible l'aide médicale d'État (AME) destinée aux étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire français. Le texte propose de la remplacer par une aide médicale d’urgence (AMU), centrée sur la prise en charge des situations les plus graves et sous réserve du paiement d’un droit de timbre. Un autre amendement restreint l'accès au statut « étranger malade », en le conditionnant à l'indisponibilité totale de traitement dans le pays d'origine.
Alors qu'un bras de fer est engagé au sein du gouvernement, le sujet ne faisant pas consensus, Élisabeth Borne a annoncé ce 8 octobre la création d'une mission chargée de déterminer si « des adaptations » de l’AME sont « nécessaires ». Ce travail préparatoire a été confié à Patrick Stefanini et Claude Evin. Le projet de loi immigration, porté par Gérald Darmanin, sera discuté au Sénat à partir du 6 novembre.
Les propositions sur l'AME sont jugées dangereuses par le CCNE dans un contexte géopolitique complexe d'augmentation du nombre de réfugiés. Dans un avis de 2017 sur la santé des migrants, le CCNE mettait en lumière les défis d'accès aux soins rencontrés par les personnes exilées en France. Le Pr Jean-François Delfraissy rappelait alors que « les mouvements migratoires sont le produit de divers facteurs tels que la croissance démographique, les enjeux climatiques et les crises géopolitiques majeures. Ils sont destinés à se répéter et persister. Cette réalité incontestable doit nous pousser à agir avec fraternité et solidarité ».
Dans un rapport conjoint en 2019, l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances estimaient que ce dispositif « répond en premier lieu à un principe éthique et humanitaire, mais aussi à un objectif de santé publique ».
Un dispositif « indispensable »
Le CCNE estime que l'AME est un dispositif « indispensable car offrant aux étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire français un accès aux soins de santé, que ce soit en médecine de ville ou en milieu hospitalier ». Le Pr Régis Aubry, spécialiste de la douleur et président de la section technique du CCNE, ajoute que « le système de soins, notamment les hôpitaux, doit permettre de garantir l'égalité de traitement et l'accès aux soins pour tous. Il faut que l'État alloue les ressources nécessaires au système de soins pour répondre à cette exigence. »
Dans son avis 140 publié en avril 2022 sur la reconstruction du système de soins sur des bases éthiques, le CCNE avait exhorté les décideurs à accorder une attention particulière aux personnes exilées - réfugiées, demandeuses d'asile ou dépourvues de titre de séjour - qui cumulent de nombreux facteurs de vulnérabilité.
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