Mieux vaut ne pas couper le cordon trop tôt. Deux méta-analyses, conduites par des chercheurs de l’université de Sydney, confirment qu’un clampage différé réduirait le risque de décès chez les nouveau-nés prématurés. Aujourd’hui, « les recommandations européennes officielles, appliquées en France, préconisent un clampage retardé, d'au moins une minute, quel que soit le terme », indique le Pr Cyril Flamant, chef de service Médecine néonatale au CHU de Nantes.
Pourtant, ce n'est pas toujours le cas chez les nouveau-nés prématurés, qui requièrent souvent une prise en charge à la naissance. « Le clampage différé est largement fait pour les bébés à terme mais quand on est face à un prématuré, on a envie de le prendre en charge directement, rapporte le spécialiste. On le pratique toutefois de plus en plus fréquemment avec les prématurés modérés. En revanche, avec des grands prématurés c'est difficile de laisser le cordon une minute ou plus, même si ces nouvelles données font relativiser nos pratiques… ».
Réduire d'un tiers le risque de décès
La première méta-analyse (1), portant sur 3 292 bébés nés avant 37 semaines d’aménorrhée dont 61 % par césarienne à travers 21 études, révèle qu’un clampage différé (dont le délai varie de 30 secondes à plus de 180) pourrait réduire d’un tiers le risque de décès chez les prématurés.
L'étude, publiée dans la revue The Lancet le 14 novembre dernier, indique que « 6,0 % des bébés ayant reçu un clampage différé du cordon sont décédés avant de quitter l'hôpital, contre 8,2 % dont le cordon a été coupé immédiatement ». D'autre part, cette première analyse a montré que, dans un sous-groupe de 1 001 bébés prématurés, 44,9 % des nouveau-nés ayant subi un clampage immédiat du cordon ont souffert d'hypothermie après la naissance, contre 51,2 % de ceux ayant subi un clampage différé ; avec une différence moyenne de température de - 0,13 °C. « Cette observation souligne l’importance de veiller à garder les bébés au chaud lorsque le clampage du cordon n’est pas immédiat », précise la publication.
Une deuxième méta-analyse complémentaire (2) sur 47 essais, incluant 6 094 nouveau-nés, précise même que « l'analyse statistique a révélé qu'attendre deux minutes ou plus pour clamper le cordon avait une probabilité de 91 % d'être la meilleure méthode pour prévenir le décès chez les bébés prématurés », lit-on.
Un clampage différé permet la poursuite du flux sanguin entre le placenta et le bébé via le cordon ombilical. « Retarder le clampage favorise une adaptation plus progressive, décrit le Pr Cyril Flamant. En effet, cela décale l'adaptation circulatoire du nouveau-né, pour qu'il se concentre sur son adaptation respiratoire ». Il y a des bénéfices sur le plan hémodynamique et l'autre intérêt est de réduire le risque d'anémie à la naissance. « C'est un peu paradoxal car, lorsque l'adaptation se passe mal, on clampe directement pour déplacer le nourrisson vers une autre salle, pour le ventiler ou l'intuber si nécessaire, alors que le clampage retardé facilite justement son adaptation », fait-il remarquer.
Dans le monde, environ 13 millions de bébés naissent avant terme chaque année et près d’un million d’entre eux meurent de complications liées à la prématurité. Selon l’association SOS préma, 60 000 bébés naissent prématurés en France chaque année, ce qui correspond à environ 8 % des naissances.
Une prise en charge à cordon battant dans certains établissements
L'étude (1) présente néanmoins certaines limites. En effet, les essais ont été menés dans des pays à revenus élevés et/ou intermédiaires et tous dans des hôpitaux dotés d'unités de soins intensifs néonatals. Par conséquent, les résultats pourraient ne pas être généralisables dans des pays avec des ressources plus faibles ou moins bien équipés. De plus, autre biais de l'étude : « certains bébés randomisés pour un clampage différé se sont vus administrer une stratégie différente, telle qu'un clampage immédiat, potentiellement (…) pour permettre des soins immédiats. »
Les auteurs nuancent également : « les résultats ne sont pas généralisables aux bébés nécessitant une réanimation immédiate, à moins que l'hôpital ne soit en mesure de fournir une aide respiratoire initiale sûre avec le cordon intact ». Par exemple, « des tables de réanimation ont été créées pour une prise en charge de l'enfant aux côtés de la mère. On parle alors de prise en charge à cordon battant, puisque le cordon peut alors rester en place, illustre le Pr Cyril Flamant, ajoutant que le CHU de Nantes où il exerce en est équipé. Mais la prise en charge est parfois difficile, la table n'a rien à voir avec celle des salles de réanimation et l'espace disponible n'est pas le même. D'autre part, il existe encore très peu de données sur les bénéfices associées à cette méthode.
(1) A. L. Seidler et al, The Lancet, nov 2023. doi.org/10.1016/S0140-6736(23)02468-6
(2) A.L. Seidler etal, The Lancet, nov 2023. doi.org/10.1016/S0140-6736(23)02469-8
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