« Saturation ». Si l’on ne devait retenir qu’un seul mot du nouveau rapport de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), ce serait celui-là.
À travers les verbatims édifiants des personnels, l’édition 2020 (données 2019) illustre le ras-le-bol, et même l’exaspération des personnels, face à une violence verbale et parfois physique qui s’apparente à un fléau quotidien. Pour 2019, exactement 23 780 signalements différents* d’atteintes aux personnes et aux biens ont été recueillis (+1,8 %) en provenance de 451 établissements déclarants, eux-mêmes toujours plus nombreux (+5,9 %)même s’ils ne concernent que 35 % des hôpitaux publics, 5,5 % des cliniques et 3,6 % des ESPIC.
L’immense majorité des signalements (81 %) relèvent d’atteintes aux personnes (insultes, injures, outrages, menaces mais aussi violences physiques et agressions avec arme). Les atteintes aux biens sont minoritaires (19 %). Dans le premier cas de figure, l’observatoire précise que 21 % de ces violences sont liées à un trouble psychique ou neuropsychique (TPN). C’est le cas dans 3 % des signalements concernant les biens.
Psychiatrie et urgences en première ligne
C’est logiquement qu’avec 18 % des événements recensés (graphique ci-dessous), les établissements ou services de psychiatrie se situent en tête des structures les plus exposées. Ils se placent devant les urgences (16 %), les unités de soins de longue durée (USLD) et les EHPAD (13 %).
S’agissant des atteintes aux personnes, les victimes sont dans plus de 80 % des cas les personnels des établissements (dont 94,5 % de soignants et 5,5 % d’agents administratifs). Au sein de la catégorie des blouses blanches, les médecins demeurent relativement préservés (8 % des victimes), à l’inverse des infirmières (47 %) et des aides-soignantes (45 %). La très grande majorité des auteurs de violences aux personnes sont des patients (70 %) ou des visiteurs/accompagnants (18 %).
Quand cela était possible (un cas sur deux), l’ONVS a établi les motifs des violences et incivilités répertoriées (tableau ci-dessous). Ainsi, « le reproche relatif à une prise en charge » est de loin la cause la plus rapportée (45,3 %). Le « refus de soins » arrive en deuxième position (20,2 %), devant le temps d’attente (11 %) et l’alcoolisation (9,7 %).
Recours pénal rapide
Le rapport 2020 a zoomé cette année sur les agressions verbales, mentionnées « abondamment ». « Ces comportements et gestes agressifs, ces propos orduriers et insultants (particulièrement humiliants), provoquants, intimidants et menaçants dégradent très fortement les conditions de travail », souligne l’ONVS. Au travers de multiples verbatims, l’observatoire tente une typologie de ces violences verbales – de l’insulte (« grosse sal…, sale pu…, grosse m…, va te faire f… ») à la menace de mort (« Si tu appelles les flics je te recherche, je te trouve et je te ferai la peau. ») en passant par les intimidations (« Je vais te péter les dents et je vais te casser les jambes »). De nombreux cas d’injures visant la compétence ou la qualité ont été déclarés (« Patient demande d’être soigné chez un médecin français, n’a pas confiance aux médecins étrangers. Se demande s’il doit aller se faire soigner chez un vétérinaire. »). Et de multiples déclarations relatent des crachats, « manifestation d’un mépris particulièrement humiliant ».
Partant, l’ONVS recommande de faire de la lutte contre les violences verbales « un objectif majeur de sécurisation ». L’observatoire insiste sur la nécessité d’un recours pénal rapide « qui réprime de façon aggravée la violence verbale (outrages, menaces) à l’encontre des personnels de santé » et incite les victimes à déposer plainte systématiquement.
* Le nombre d’événements déclarés atteint même 26 060 si l’on tient compte des signalements qui répertorient deux types d’atteintes cumulativement
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?