L’équipe dirigée par Grégoire Courtine, à l’Institut fédéral suisse des technologies, continue de développer des technologies de restauration de la mobilité des patients médullo-lésés. Après des résultats de plus en plus probants pour la restauration de la marche, y compris avec une interface cerveau-machine, et une publication encourageante chez un patient atteint de la maladie de Parkinson, c’est au tour de la motricité des membres supérieurs des patients tétraplégiques d’être au centre de leur attention.
Alors que ces précédentes applications reposaient sur l’implantation neurochirurgicale d'électrodes, le nouveau dispositif utilisé cette fois-ci est non invasif. Appelé Arcex, il délivre un courant électrique à la moelle épinière via des électrodes de surface, disposées sur la nuque, de part et d’autre de la région lésée.
Dans un article publié ce 20 mai dans Nature Medicine, les chercheurs décrivent les premières données de sécurité et d’efficacité, issues des 65 premiers patients ayant bénéficié du dispositif, dont 60 sont parvenus au bout du protocole. Certains d'entre eux étaient handicapés depuis 30 ans. Tous les participants ont suivi un programme de rééducation (entre 12 et 20 séances d’une heure chacune) en clinique sur une période de deux mois, suivis du même programme de rééducation avec l'ajout de la thérapie Arcex pendant deux mois supplémentaires.
Des patients encore capables de bouger
L'essai a inclus des participants adultes âgés de 22 à 75 ans qui souffraient d’une lésion cervicale traumatique et non progressive entre les vertèbres C2 et C8, au moins 12 mois avant. La communication nerveuse au niveau de la moelle épinière ne devait pas être totalement interrompue, puisque les patients devaient avoir un score de préhension GRASSP-Prehension supérieur ou égal à 10 ou un score GRASSP-Strength supérieur ou égal à 30. Les personnes traitées par médicaments antispastiques ont dû réduire leur dose de baclofène à moins de 30 mg par jour avant l'inclusion.
Ces critères pourraient se voir élargir dans de futures études, comme l’explique la neurochirurgienne Edelle Field-Fote, du département de médecine physique et de réadaptation de l’école universitaire de médecine Emory, co-autrice de l’étude : « Je pense que beaucoup de malades considérés comme ayant une connectivité totalement interrompue - car ils ne sont plus du tout capables de bouger leurs membres – ont tout de même quelques fibres nerveuses qui peuvent être renforcées par électrostimulation », assure-t-elle. Seuls 10 % des patients médullo-lésés auraient une interruption anatomique complète de la moelle épinière.
Le critère d’efficacité était l’amélioration significative d’au moins deux critères, dont un de force (force de pincement, force de préhension et force des bras) et un fonctionnel (vitesse de frappe à la machine, déplacement de petits objets). Les auteurs ont constaté que 72 % des participants répondaient à cette définition. « Ce sont pourtant des critères très stricts », insiste la Dr Edelle Field-Fote. « Pour des patients tétraplégiques, même une légère amélioration de motricité des mains est associée à une forte amélioration de la qualité de vie », poursuit la chercheuse. L’étude décrit également une amélioration de la sensibilité des mains.
En tout 90 % des patients ont connu une amélioration significative d’au moins l’un des critères de l’étude, et 82 % évoquent une amélioration subjective de leur qualité de vie. Les patients ayant tiré bénéfice de l’électrostimulation n’ont pas atteint de plateau, ce qui suggère qu’ils sont susceptibles de s’améliorer au-delà des deux mois qu’a duré le suivi.
Reconnexion et neuroplasticité
« Dans des modèles précliniques, nous avons montré qu’il existait un type de neurones très importants ayant la capacité de recruter des fibres nerveuses restantes, explique le neuroscientifique Grégoire Courtine. La stimulation de cette zone est donc associée avec la création de nouvelles fibres nerveuses. » Cet effet est très local, mais il permet la reconnexion partielle entre les régions de la moelle épinière encore intactes, de part et d’autre de la lésion.
« Ce qui est encourageant, c’est que nous observons une accumulation d’améliorations au fil du temps chez les patients qui bénéficient de cette stimulation de la moelle épinière, ajoute l’ingénieur et neuroscientifique Chet Moritz, de l’université de Washington. Même quand l’appareil est éteint, on observe une amélioration de la motricité. Nous pensons que la stimulation induit une neuroplasticité et une repousse de terminaisons nerveuses même quand l’appareil n’est pas allumé. »
La plateforme de stimulation a été développée par l’entreprise Onward Medical cofondée par Grégoire Courtine. Des démarches ont été entamées pour obtenir une autorisation de mise sur le marché en Europe. « Il ne s’agit pas seulement d’un dispositif destiné à améliorer les séances de réhabilitation, prédit-il. Il peut être emporté par les patients chez eux et utilisé au quotidien. » Des discussions sont également en cours avec la Food and Drug Administration (FDA), et Onward Medical espère pouvoir commercialiser son dispositif aux États-Unis avant la fin de l’année 2024.
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