L’année 2020 a été celle de l’accord, donné par la Haute Autorité de Santé (HAS), pour le remboursement des iSGLT2 dans le traitement du diabète de type 2 (DT2). Certes nous pouvons regretter qu’il ait fallu autant de temps (5 ans !) pour accorder un tel remboursement à cette classe thérapeutique largement utilisée dans le monde entier (lire aussi p. 11). Mais c’est en grande partie grâce à la reconnaissance des bénéfices néphrologiques des iSGLT2. En effet, la commission de la transparence a été sensible aux résultats apportés par l’étude Credence sur la protection rénale, ce qui a contribué à changer le regard de l’agence sur la classe entière des iSGLT2 et a ainsi permis in fine d’accorder le remboursement pour les trois molécules de la classe.
Jusqu’à récemment, très peu de traitements avaient démontré une diminution du risque de progression de l’atteinte rénale dans la néphropathie diabétique. Certes, le blocage du système rénine-angiotensine avait montré − il y a plus de 18 ans avec le captopril, l’irbesartan et le losartan − un bénéfice rénal significatif ; l’importance d’un contrôle glycémique intensif sur le risque rénal dans le DT2 avait été mise en évidence, à la fois dans l’étude UKPDS et dans Advance. Mais, malgré ces traitements, le risque résiduel d’insuffisance rénale − et aussi d’évènements cardiovasculaires − reste élevé, chez les patients DT2 avec néphropathie diabétique.
L’essai spécifique Credence
Premier essai clinique avec un iSGLT2 spécifiquement conçu avec un critère principal d’événements rénaux et cardiovasculaires (CV) pour des patients DT2 avec atteinte rénale, Credence a inclus des patients avec macroalbuminurie et un débit de filtration glomérulaire (DFG) estimé entre 30 et 90 ml/min. Ils étaient sous dose maximale tolérée d’un bloqueur du système rénine-angiotensine avant d’être randomisés pour recevoir la canagliflozine 100 mg/j ou un placebo.
Le critère principal était un composite d’évènements rénaux : dialyse, transplantation rénale, DFG < 15 ml/min, doublement de la créatinine plasmatique ou décès d’origine rénale ou CV.
Il a été observé sous canagliflozine une réduction très nette du critère principal, de 30 % : HR = 0,70 ; IC95 [0,59 - 0,82] ; p = 0,00001 (1). De manière intéressante, la canagfliflozine était associée à une réduction forte du risque d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale, de 32 % (HR = 0,68 ; IC95 [0,54 - 0,86] ; p = 0,002), ce qui n’avait jamais été constaté dans un essai clinique dans le DT2 !
… et les critères secondaires des autres essais
Les principaux essais cliniques dont l’objectif principal était de tester la sécurité cardiovasculaire des gliflozines ont montré des résultats positifs pour les critères secondaires néphrologiques à des stades précoces de néphropathie diabétique. Il s’agissait de patients DT2 en prévention secondaire ou à haut risque CV avec un DFG ≥ 30 ml/min dans Empa-reg Outcome avec l’empagliflozine ou ≥ 60 ml/min dans Declare-Timi 58 avec la dapagliflozine.
Le risque de développer une micro ou macroalbuminurie a été réduit de 16 %, dans ces deux essais (2).
Les métaanalyses qui ont compilé ces essais montrent une réduction forte et significative du risque d’événements rénaux sévères, d’environ 30 % (voir figures). Il convient de noter que le nombre d’événements dans chacune de ces études de sécurité CV demeurait faible et que certains critères n’étaient pas adjudiqués mais ces résultats sont en concordance avec ceux de l’étude Credence, ce qui témoigne d’un effet néphroprotecteur très probablement commun à ces trois molécules.
Dapa-CKD sort du diabète
La protection rénale apportée par les iSGLT2 a été démontrée également pour des patients avec et sans diabète, dans l’essai Dapa-CKD qui a inclus 4 304 individus avec un DFG entre 25 et 75 ml/min (3). Après un suivi médian de 2,4 années, il était noté une réduction de 39 % de la survenue du critère principal sous dapagliflozine (déclin du DFG d’au moins 50 %, IRT, décès d’origine rénale ou CV). Il existait de plus une réduction significative de la mortalité totale : HR = 0,69 ; IC95 [0,53 - 0,88] ; p = 0,004. Le bénéfice était observé à la fois chez les patients avec ou sans DT2.
De même, l’étude Emperor-Reduced, qui a testé l’effet de l’empagliflozine (à la dose de 10 mg/j) chez des patients avec une insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection abaissée (sans et avec diabète) a observé, dans une analyse pré-spécifiée, une réduction significative, après seulement 16 mois de suivi, du déclin du DFG et une diminution du risque du critère composite rénal (déclin marqué du DFG, dialyse ou transplantation), chez les patients avec une insuffisance rénale (HR = 0,53 ; IC95 [0,31 – 0,91]), y compris chez ceux avec un DFG aussi bas que 20 ml/min, mais aussi chez ceux sans atteinte rénale à l’inclusion (4).
Mécanismes sous-jacents
De nombreux mécanismes ont été proposés pour expliquer la protection rénale apportée par les iSGLT2 : une restauration du feedback tubuloglomérulaire, contribuant à diminuer l’hyperfiltration glomérulaire, une réduction du tonus du système nerveux sympathique, une diminution de l’inflammation, une diminution de la fibrose tubulo-interstitielle, une amélioration de l’oxygénation tissulaire, une diminution de la dysfonction endothéliale, une inhibition de l’activation de mTORC1 au niveau des podocytes. Il faut noter que les diminutions, à la fois de la pression artérielle et du poids, ont probablement aussi un effet bénéfique. Ces bénéfices sur les critères néphrologiques sont, au moins en grande partie, indépendants de la baisse de la glycémie.
Service Endocrinologie-Diabétologie, CHU de Rennes
(1) Perkovic V et al. Nejm 2019;380:2295-306
(2) Neuen BL, et al. Lancet Diab Endoc 2019;7:845-54
(3) Heerspink HJL et al. Nejm. 2020;383:1436-46
(4) Zannad F et al. Circulation 2021;143(4):310-21
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