Comment diminuer le risque d’insuffisance rénale aiguë (IRA) lors d’une chirurgie cardiaque ? L’étude Protection menée dans 22 centres de trois pays sur 3 511 patients adultes opérés du cœur suggère l’intérêt d’administrer en perfusion des acides aminés (AA) jusqu’à trois jours. Cet essai randomisé en double aveugle contrôlé contre placebo, coordonné par le Pr Giovanni Landoni (Institut scientifique San Raffaele IRCCS, à Milan) avec le soutien du ministère de la Santé italien, rapporte une survenue significativement moindre d’IRA dans le groupe AA.
L’IRA, fréquente lors d’une chirurgie cardiaque, est associée, même légère ou modérée, à une augmentation de la morbidité et de la mortalité. L’hypoperfusion rénale est « un contributeur majeur » de la baisse du taux de filtration glomérulaire lors d’un pontage cardiopulmonaire avec circulation extracorporelle (CEC), écrivent les auteurs dans leur étude. Or les AA semblent avoir un effet protecteur en mobilisant la réserve rénale fonctionnelle.
Les patients inclus ont été opérés de la valve mitrale (36,2 % dans le groupe placebo et 38 % dans le groupe AA), de la valve aortique (37 % et 37,4 %), d’un pontage aortocoronarien (36,5 % et 34,8 %) ou autres (7,9 % et 7,8 %). Le groupe AA (n = 1 759) a reçu de l’isopuramine 10 % (Baxter), le groupe placebo (n = 1 752) une solution Ringer (Baxter). Les produits ont été administrés dès l'entrée en salle d'opération et pendant 72 heures au maximum ou jusqu'à la sortie du service de réanimation, à la mise sous suppléance ou au décès du patient.
Un risque d’IRA sévère diminué de 44 %
Le traitement a été administré en perfusion pendant 72 heures chez 22,3 % des patients et interrompu auparavant dans près des trois quarts des cas (73,0 %) en raison de la sortie de réanimation. Une IRA (critère principal de jugement) a été rapportée chez 474 patients (26,9 %) du groupe AA et chez 555 (31,7 %) du groupe placebo, ce qui correspond à une diminution significative du risque de 15 %. Le risque d’IRA sévère (stade 3) est encore plus diminué dans le groupe AA, de l’ordre de 44 % (1,6 % versus 3 %). Aucune différence n’est ressortie en revanche pour les autres critères secondaires (recours à la dialyse, mortalité toutes causes à 30 jours). La tolérance était identique dans les deux groupes.
« Les résultats positifs des essais de prévention de l’IRA sont rares, écrivent dans un éditorial associé les Drs Marlies Ostermann (Guy’s and St. Thomas’ Hospital, Londres) et Andrew Shaw (clinique de Cleveland). Les résultats de l’essai Protection sont-ils assez forts pour se traduire par des recommandations sur les acides aminés pour la pratique clinique ? » Après en avoir détaillé les limites, les deux réanimateurs estiment, au final, que ce travail fait partie des essais bien conduits à même de changer les choses, tout en appelant à déterminer à l’avenir « si les résultats sont liés à un effet fonctionnel ou à une réelle protection contre la nécrose tubulaire, ou à une combinaison des deux ».
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