En attendant la décision prochaine de l’Agence européenne du médicament (EMA) concernant le lécanemab, un anticorps anti-amyloïde déjà disponible aux États-Unis dans le traitement de l’Alzheimer, les spécialistes de la maladie réfléchissent à une future adaptation des unités de soins.
Le Congrès national des unités de soins et d’évaluation et de prise en charge de la maladie d’Alzheimer (Uspalz), qui s’est tenu mi-décembre, a porté sur les nouvelles thérapeutiques anti-amyloïde, leurs bénéfices et les risques attendus et les évolutions que cela entraînera dans le parcours de soins et l’organisation des services. Deux molécules (le lécanemab des laboratoires Eisai et Biogen et le donanemab du laboratoire Lilly) sont déjà disponibles aux États-Unis et en attente de la réponse de l’EMA courant 2024.
De possibles restrictions d’utilisation
Sans préjuger des décisions de l’EMA et au regard des essais thérapeutiques, le Pr Olivier Hanon (hôpital Broca, Paris) a essayé de définir qu’elle pourrait être la population cible. L’âge ne semble pas être un facteur limitant, puisque dans les essais avec le lécanemab les patients avaient jusqu’à 90 ans et 85 ans avec le donanemab. « Ne pourront être traités que les patients ayant une maladie légère à modérée : MMSE ≥ 22-30 pour la population étudiée dans les essais pour le lécanemab et MMSE ≥ 20-28 pour le donanemab et ayant la preuve d’une pathologie amyloïde (ponction lombaire et TEP amyloïde positif) ».
En outre, ne devraient pas être traités les patients présentant une contre-indication à la surveillance nécessaire par IRM des anomalies radiologiques liées à l’amyloïde (appelées ARIAs pour Amyloid Related Imaging Abnormalities), qui peuvent être à type d’hémorragies ou d’œdèmes ; ainsi que les patients présentant certaines anomalies à l’IRM cérébrale : microangiopathie cérébrale sévère (score de Fazekas 3), plus de quatre microsaignements en T2* et non en séquence SWI, angiopathie amyloïde cérébrale, état multilacunaire, infarctus cérébral récent, processus expansif intracrânien responsable d’un déclin cognitif. Avec pour l’infarctus cérébral ancien et l’anévrysme, une précaution d’emploi à discuter en réunion de concertation pluridisciplinaire. Seraient également exclus, les patients sous traitement anticoagulant (ou thrombolytique) et les patients porteurs de deux gènes ApoEe4 qui sont aussi à risque plus élevé d’ARIAs.
Ces traitements disposent d’une balance bénéfice/risque étroite. Le risque d’ARIAs hémorragiques ou avec oedème est de 10-44 % selon la présence de facteurs de risque.
« En vie réelle, des études ont estimé que seuls environ 10 % des sujets atteints de maladie d’Alzheimer seraient éligibles à ces traitements car souvent le diagnostic est trop tardif » a déclaré le Pr Olivier Hanon.
Une nécessaire préparation
Le Pr David Wallon (Centre Mémoire de ressources et de recherche à Rouen) a quant à lui, insisté sur « l’impact complexe d’une limitation d’accès à un traitement innovant » Il faudra veiller à personnaliser l’information et l’accompagnement des patients : transparence et précision sur le mode d’action des molécules, l’éligibilité et le rapport bénéfice/risque. Une formation des professionnels de santé est à envisager.
« C’est un défi qui nous attend car il faut cibler les bons patients et le suivi par IRM régulier pourrait poser problème au début. Il faudra tempérer les attentes de nombreux patients et de leurs familles. Cependant, on ne peut que se réjouir de l’arrivée de ces nouveaux traitements qui permettent de ralentir l’évolution de la maladie de 30 % pour les formes précoces », conclut la Pr Claire Paquet (hôpital Lariboisière, Paris).
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