Neurobiologiste, chercheuse, Anne-Laure Mahul-Mellier travaille depuis près de 12 ans à l'École polytechnique fédérale de Lausanne, dans le laboratoire de neurobiologie moléculaire et neuroprotéomique, dirigé par le Pr Hilal Lashuel. Elle étudie en particulier la maladie de Parkinson, dont la prévalence a doublé depuis 25 ans et ne cesse de progresser.
LE QUOTIDIEN : Quels éléments nouveaux viennent éclairer la physiopathologie de la maladie de Parkinson ?
ANNE-LAURE MAHUL-MELLIER : Dans cette maladie qui atrophie les neurones dopaminergiques de la substance noire, environ 5 % des cas sont génétiques. Le reste des cas, sporadiques, a une origine qui n'est pas connue. L’environnement est l'objet de fortes suspicions. Seuls la France et le Canada font le rapprochement entre pesticides et Parkinson : ils établissent un lien avéré pour les travailleurs spécialisés dans l’agriculture, les horticulteurs et tous ceux exposés de façon rapprochée aux pesticides. C’est le cas aussi pour les golfeurs et les personnes qui entretiennent le gazon des parcours.
Les autres causes sont multiples et variées. Depuis une dizaine d’années, il y a des soupçons sur les aliments contenant des pesticides. La maladie pourrait débuter dans les intestins, c’est une hypothèse récente. Il existe un dénominateur commun entre tous les malades : la constipation. Avant que les premiers symptômes moteurs n’apparaissent, la maladie est déjà là depuis une vingtaine d’années et a détruit à peu près 50 % des neurones de la substance noire, le corps arrivant à compenser le déficit neuronal dans cette proportion. Comme traitement, il y a juste un substitut de la dopamine mais qui n’est pas du tout préventif. La maladie continue à se propager.
Sur quoi portent vos recherches ? Pour quelles applications concrètes ?
Je conduis des recherches pour comprendre les mécanismes d’agrégation de la protéine alpha-synucléine, qui forme les corps de Lewy dans les neurones, et les liens avec le développement et la progression de la maladie de Parkinson. Plus d’un siècle après la découverte des corps de Lewy, on ne connaît pas grand-chose de leur formation, composition et rôle dans la maladie de Parkinson. Comprendre l'origine est crucial pour développer des approches thérapeutiques adéquates.
L’absence d’un modèle fiable pour la maladie de Parkinson freine le développement de traitements efficaces. Afin de remédier à cela, notre laboratoire a développé un modèle neuronal reproduisant fidèlement la formation des corps de Lewy et les processus neurodégénératifs associés. Cela ouvre des opportunités pour le criblage haut débit de composés thérapeutiques et l’évaluation de l’efficacité de différentes molécules pour prévenir, ralentir ou réduire la formation de la pathologie neuronale. Ceci avant leur éventuelle évaluation lors d’essais cliniques. Notre prochain défi est de reproduire la maladie de Parkinson dans les cellules souches des patients afin d'offrir une meilleure représentation de la biologie humaine et accélérer le développement de médicaments et la médecine personnalisée.
Parmi les sportifs, y a-t-il moins de patients ayant une maladie de Parkinson ?
C’est plutôt le contraire. Les sportifs recevant des chocs frontaux comme les footballeurs, les rugbymen, les boxeurs ont davantage de chance de développer une maladie neurodégénérative. Et l’on se demande s’il ne faudrait pas faire interdire les têtes dans le foot...
Mais une fois que la maladie est installée, le sport est hyperbénéfique. Il faut conseiller à nos patients de faire de la marche, du yoga, du taï-chi. Le généraliste devrait recommander une heure de sport par jour. La danse est un sport très efficace. Il existe des cours de tango pour les patients parkinsoniens et quand ils se mettent à danser, ils ne tremblent plus. Le sport diminue les douleurs musculaires et pour certains patients atténue les symptômes moteurs. Être dans l’eau peut aussi apporter un bien-être et permettre de faire des mouvements doux. Tout dépend de la personne, de sa volonté, de ce qu’il aime. Un de nos patients a besoin de faire une heure par jour de méditation en pleine conscience.
Vous êtes membre de l’association Défi Parkinson. Comment est né le projet ?
Dans le cadre des portes ouvertes de l'École polytechnique fédérale de Lausanne avant le Covid, j’ai rencontré Yves Auberson, un ancien golfeur professionnel parkinsonien qui voulait traverser les Alpes sans aucune aide sur 1 000 km avec de sacrés dénivelés. J’étais avec un de mes étudiants en thèse et le projet nous a emballés. Yves avait besoin de lever des fonds, et après l’accord de notre chef, nous nous sommes embarqués dans l’aventure. Maintenant qu’Yves est décédé, nous avons créé une cagnotte, pour financer des projets à visée sportive. Comme ce jeune patient qui nage énormément en piscine et rêve de traverser un lac ou un autre qui veut faire du triathlon.
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