La nouvelle mouture des recommandations sur la migraine évolue sur l’évaluation, la stratégie du traitement de crise et la clarification du traitement de fond. Autre sujet débattu par les neurologues?: la SLA dont l’incidence a doublé.
À l'occasion des Journées de Neurologie de Langue Française 2013 (Montpellier), le groupe de la SFEMC (Société Française d'Études des Migraines et Céphalées) a présenté l'actualisation 2013 des recommandations sur la prise en charge diagnostique et thérapeutique de la migraine. Elles viennent remplacer les dernières recommandations ANAES de 2002 retoquées en 2012 par la HAS en raison de conflits d'intérêt.
Les critères de diagnostic de migraine retenus sont ceux de l'International Headache Society révisés en 2004. Le diagnostic repose sur un trépied sémiologique : une évolution par crises récurrentes séparées par des intervalles libres de toute douleur, des caractéristiques sémiologiques typiques (unilatéralité, pulsatilité, aggravation par l'effort, association à des nausées ou une phono-photophobie) et un examen clinique normal. Donc, pas besoin d’imagerie, mais la SFEMC réitère la nécessité d’examens complémentaires en urgence pour toute céphalée d'apparition brutale. Côté évaluation, « les échelles HAD et HIT ont été proposées pour évaluer les retentissements fonctionnel et émotionnel de la migraine », a souligné le Dr Anne Donnet (hôpital Cimiez, Nice).
Le traitement de la crise repose sur les AINS (naproxène, ibuprofène, kétoprofène, diclofénac) et des triptans. La SFEMC conseille d'utiliser un AINS en première intention et de prescrire le triptan si le patient n'est pas soulagé une à deux heures après la prise d'AINS. Cette stratégie doit être évaluée après trois crises. Si l'AINS est efficace au moins deux fois sur trois, ce traitement doit être poursuivi. « Il manquait ce critère d’effet soutenu sur le long terme » a estimé le Dr Dominique Valade (Centre urgence céphalées, hôpital Lariboisière, Paris). « Il entre dans les quatre questions de l’évaluation ».
Si l’AINS est inefficace ou mal toléré, le triptan est prescrit en première intention dans la première heure qui suit le début de la crise. Le Dr Donnet précise : « Il y a un affinage de la stratégie thérapeutique en cas d’échec aux triptans avec une gestion en trois étapes : vérification de la prise précoce du traitement de la crise, En cas d’échec, changement de triptan puis en cas de nouvel échec, association d’un AINS et d’un triptan ».
Bêtabloquants en première ligne
Afin de prévenir les céphalées par abus médicamenteux, la SFEMC recommande l’instauration du traitement de fond associé à une éducation thérapeutique si le patient recourt plus de deux jours par semaine au traitement de crise pendant trois mois. « La définition du pré-abus se fait en nombre de jours et non pas de comprimés », commente le Dr Donnet.
Les experts ont fait le tri dans le choix des traitements. Les seuls qui ont démontré leur efficacité sont le divalproate de sodium, le valproate de sodium, le métoprolol, le propanolol et le topiramate. « Le Laroxyl® (amitryptilline) est passé en grade B (efficacité probable), le candesartan qui n’y était pas en 2002 est entré dans la liste et beaucoup sont rétrogradés comme la flunarizine ou le nadolol en classe B . La commercialisation du Nocertone® (oxétorone) sera probablement arrêtée. Le méthysergide est supprimé mais cela risque de poser problème?»,?indique?le Dr Valade.
Considérant le niveau de preuve d'efficacité, la balance bénéfice-risque et l'existence d'une AMM, la SFEMC estime qu'en l'absence de contre-indications, le propanolol et le métoprolol doivent être proposés en première intention. Le traitement de fond est jugé efficace s’il réduit les crises d’au moins de moitié.
La relaxation, le biofeedback ou les thérapies cognitivo-comportementales méritent d’être essayées car elles ont fait la preuve de leur efficacité. Enfin, chez la femme migraineuse pas question d’arrêter la contraception orale au motif d’une augmentation de risque d’accident cardiovasculaire. « Le risque est microscopique par rapport à une grossesse non désirée » a indiqué le Pr Valade. En revanche, « il faut lui interdire de fumer car le risque d’AVC est très augmenté ».
Rassurer les femmes enceintes
Chez la femme désirant une grossesse, les nouvelles recommandations permettent d’être rassurants d’autant que ce thème n’était pas traité dans la version antérieure. Les études montrent que la migraine n’est pas défavorable à l’évolution de la grossesse. D’ailleurs, les crises ont tendance à se raréfier pour une grande majorité de patientes. « On leur dit qu’on peut leur proposer un traitement de crise : AINS et triptans dans les deux premières semaines du cycle et l’aspirine ou les AINS le reste du cycle », a précisé le Dr Valade. Il faut bien préciser que les antimigraineux sont formellement contre-indiqués en cas de grossesse. Les anti-épileptiques comme le valproate et divalproate de sodium sont tératogènes et les dérives de l’ergot de seigle doivent être évités. Les AINS peuvent être prescrits jusqu’au troisième mois et, bien que les données de pharmacovigilance soient rassurantes, les triptans sont contre-indiqués dès que la grossesse est avérée. Quant au traitement de fond, les bêta-bloquants comme le propranolol ou l’amitriptyline sont permis à la dose minimale efficace. Il faut insister sur les dangers de l’automédication en dehors du paracétamol. Concernant l’ibuprofène et les préparations de phytothérapie en parapharmacie, les risques doivent être clairement expliqués à la femme enceinte.
En ce qui concerne le traitement hormonal de la ménopause, la migraine a propension à persister. L’estradiol transdermique a tendance à améliorer les choses par rapport à l’estradiol par voie orale.
Le traitement hormonal de la ménopause?augmente faiblement mais significativement le risque d’infarctus cérébral (+ 29 %) mais il n’y a pas de données sur le risque de l’association traitement hormonal de la ménopause-migraine. Si la migraine n’est pas une contre-indication au traitement hormonal de la ménopause, il faut discuter de la galénique de l’estradiol, d’une réduction des doses d’estradiol voire d’un arrêt du traitement.