LE QUOTIDIEN : D’après certaines études, il semblerait que les enfants et adolescents épileptiques soient davantage sédentaires, plus souvent en surpoids et en moins bonne condition physique que ceux ne souffrant pas de cette maladie. Pour les adultes, est-ce la même chose ?
Dr BERNARD DUCHÉ : Oui, et pourtant, la mauvaise condition physique est un facteur d’aggravation pour l’épilepsie. Mieux vaut également ne pas être en surpoids. Des travaux sur des modèles animaux d'épilepsie indiquent que l’activité physique ralentit la maladie. Et quelques études, même si elles sont assez rares, montrent de façon indiscutable qu’entre un épileptique sportif et un non-sportif la stabilisation de la maladie est bien meilleure chez le premier.
L'effet positif est net avec une raréfaction des crises, et les décharges épileptiques sont moindres à l'électroencéphalogramme (EEG), au repos et après des techniques de sensibilisation. Alors qu'une respiration profonde pendant trois minutes fait apparaître ou augmenter des anomalies, une activité musculaire avec hyperventilation a tendance à les faire diminuer.
Quels bénéfices constatez-vous pour la santé mentale de ces patients ?
La pratique d’un sport est bonne pour le moral et constitue un motif d’insertion pour le patient. Les épileptiques souvent ostracisés souffrent du manque de contacts sociaux, et sont souvent mieux dans leur tête quand ils pratiquent une activité physique. Les patients non stabilisés sont forcément déprimés par leur maladie qui est mal connue et ont souvent une qualité de vie dégradée. C’est infernal de vivre dans l’attente de la crise. Avoir une activité physique permet aussi de mieux dormir et donc d’éviter chez des patients stabilisés certaines crises pouvant survenir à cause du manque de sommeil ou d'une consommation d'alcool un peu excessive.
Comment choisir le genre de sport que peut faire le patient épileptique ?
La ligue internationale contre l’épilepsie s’est un peu intéressée au problème et a classé le sport en trois catégories. Les sports que n’importe quel épileptique, même non stabilisé, peut faire comme les sports collectifs ou de raquette, ceux un peu plus délicats, et les autres pouvant être considérés comme dangereux, parfois même mortels pour le patient.
La ligue a mis un peu d’ordre dans quelque chose qui était très flou et, avant cette classification, chaque neurologue agissait dans son coin selon son bon sens qui ne l'était pas toujours. Certains interdits n’étaient pas du tout justifiés et cette initiative a ouvert quelques portes… Une question m’était parfois posée : « Mon fils joue au foot, il va faire des têtes, est-ce dangereux ? » Je répondais : « Non, ça n’a rien à voir. » Cela ne peut pas déclencher de crises. Même au rugby, les contacts ne constituent pas un problème. Le judo et la lutte sont autorisés. Et la survenue d’une crise pendant une séance de judo ne prête pas à conséquence. En athlétisme, tout est permis, sauf le saut à la perche.
En général, les crises pendant le sport sont sans gravité et le bénéfice sera de toute façon plus important.
Mais qu'en est-il de la natation ?
La natation, qui se trouve dans le groupe 2, peut effectivement être source d’inquiétude. J’ai eu deux patients qui ont failli se noyer, car ils n’étaient pas surveillés, dont un qui a été en réanimation. Pour pouvoir nager, le patient ne doit pas faire de crises répétées et doit être relativement stabilisé et surveillé.
Certains patients se voient refuser, par méconnaissance, la pratique d’un sport qu’ils pourraient faire, ce qui est très dommageable. Mais il faut toujours que l’entourage soit au courant. En revanche, j’avais des patients surfeurs, ce qui est totalement déconseillé, sauf éventuellement chez des patients guéris ou stabilisés depuis de très nombreuses années. Mais je n’autoriserai pas un épileptique à partir seul avec sa planche, c’est trop risqué. Comme partir tout seul en bateau.
Avez-vous eu des doutes dans certains cas particuliers ?
Je suis tout à fait partisan du sport. J’ai même autorisé un patient bien stabilisé qui n’avait pas eu de crises depuis des années à sauter en parachute. C’était son rêve. Quelle idée j’ai eue ! J’en ai eu des sueurs froides. Heureusement, tout s’est bien passé. Il a sauté avec un moniteur, il était fou de joie. Mais c’était une circonstance particulière… Ce qui est important aussi, c’est de tenir compte du fait que le sport soit en aérobie ou en anaérobie. Les études expérimentales ont montré que la pratique du sport en aérobie était plutôt positive et qu’il fallait éviter autant que faire se peut ceux en anaérobie qui épuisent. Ainsi, se lancer dans un marathon ne serait pas forcément judicieux… En revanche, faire du jogging ne pose pas de problème.
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