Quelle place accorder aux dispositifs médicaux digitaux portables dans l’épilepsie ? Un article paru dans The New England Journal of Medicine s’appuie sur deux cas cliniques pour éclairer leur intérêt dans les soins. La Pr Martine Gavaret, neurologue au GHU Paris psychiatrie et neurosciences à l’hôpital Sainte-Anne à Paris donne son point de vue.
À l’heure des montres connectées qui surveillent des fonctions physiologiques (sommeil, activité, rythme cardiaque), différents types de dispositifs portés au poignet utilisent des capteurs similaires pour détecter les crises. D’autres, plus traditionnels, sont basés sur l’EEG : ils sont souvent utilisés dans le cadre de la recherche mais sont moins confortables et plus lourds.
Premier cas clinique : Sam, âgé de 17 ans, présente une épilepsie myoclonique juvénile. « Cette forme d’épilepsie inclut des crises tonico-cloniques généralisées et des myoclonies, souligne la Pr Martine Gavaret. Les myoclonies se manifestent par des secousses des bras, plutôt au niveau des épaules, souvent prédominant le matin. À ce moment-là, le patient est conscient et cela est généralement interprété comme une maladresse. Plus rarement, ces patients peuvent présenter des absences. »
Les crises généralisées tonico-cloniques peuvent être très dangereuses. Les blessures et les accidents liés aux crises épileptiques sont, en effet, le plus souvent associés à des crises tonico-cloniques généralisées. Et jusqu'à 25 % des personnes souffrant de telles crises ont subi au moins une blessure grave au cours de leur vie. Ce type de crises constitue, en cas d'épilepsie, le facteur de risque le plus important de mort subite et inattendue. Vivre seul ou partager une habitation en dormant seul, sont des situations associées à un risque accru de mort subite. Une personne qui dort seule et qui souffre fréquemment de telles crises présente le risque le plus élevé.
La détection des crises est associée à une fonction d’alarme qui peut faciliter les interventions pendant et après les crises
Crises inaperçues dans l’épilepsie focale
L’autre cas clinique présenté dans cette publication est celui de Julie, 35 ans. « Cette patiente souffre de crises d'épilepsie focales avec des manifestations frustes depuis l'adolescence, précise la Pr Martine Gavaret. Ces crises peuvent passer inaperçues. » Durant des années et jusqu’à il y a peu, Julie vivait seule dans son appartement. Ses crises étaient sous contrôle grâce à la prise de carbamazépine. Cependant, son nouveau compagnon a récemment observé des épisodes de rupture de contact avec quelques mouvements automatiques dont elle ne s’était pas rendu pas compte. Un traitement antiépileptique complémentaire a donc été envisagé. Mais l’équipe médicale craint que, si la fréquence des crises non convulsives n’est pas quantifiée précisément, elle ne soit pas en mesure d'évaluer correctement la réponse au traitement…
Intérêt et limites selon le type d’épilepsie
À travers ces deux cas cliniques, les auteurs de la publication constatent que ces dispositifs peuvent être utiles, en particulier pour Sam qui présente une épilepsie de type généralisée. La détection des crises est associée à une fonction d’alarme qui peut faciliter les interventions pendant et après les crises, réduisant les risques de blessures, permettant de ne pas laisser le patient en décubitus ventral au décours de la crise ou dans la période post-critique pour libérer les voies aériennes.
Dans des essais cliniques, ces appareils pourraient être utilisés pour quantifier la fréquence des crises comportant des convulsions. « Je trouve l’étude pertinente car elle souligne l’utilité de ces dispositifs tout en évoquant leurs limites. On voit bien le distinguo entre la patiente qui souffre d’une épilepsie focale et pour laquelle le dispositif est moins directement utile, notamment grâce à la prise de médicaments qui permettent aux crises de rester focales. Au contraire, le patient qui a une épilepsie généralisée tire les plus grands bénéfices de cet outil permettant d’avertir ses proches. Un tel dispositif peut améliorer sa sécurité à condition qu’il le porte de manière fiable et qu’il soit entouré de près par ses proches », analyse la Pr Gavaret.
Utilisation en milieu hospitalier
À l'hôpital, ce type d’équipement est utilisé dans le cadre d’une hospitalisation. « Les crises sont enregistrées (EEG-vidéo) en continu pendant cinq jours, explique la Pr Martine Gavaret, neurologue à l’hôpital Sainte-Anne (Paris). Cela permet de caractériser la sémiologie mais aussi ce qu’il se passe d’un point de vue électrique au niveau cérébral ». Durant la journée, ces patients sont très surveillés, avec des infirmières dédiées. « La nuit, en revanche, les infirmières sont moins nombreuses et veillent aussi sur d’autres patients de l'unité, poursuit-elle. C’est pourquoi, de 21 heures à 8 heures du matin, nous équipons ces patients de bracelets détecteurs de crise, de façon à prévenir le personnel soignant d’éventuelles secousses et/ou d’anomalies du rythme cardiaque. »
Donner E. et al., N Engl J Med, 2024;390:736-745
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