Améliorer le diagnostic et la prise en charge globale des patients, sur tout le territoire, en tenant compte de la réalité complexe et multiforme de la maladie : telle est la finalité du guide sur le parcours de santé des personnes atteintes d'épilepsie, publié ce 14 juin par la Haute Autorité de santé (HAS), en collaboration avec l'Assurance-maladie.
Malgré les recommandations de bonnes pratiques sur la prise en charge des enfants et des adultes ayant une épilepsie de 2020, « les disparités dans les soins persistent selon les territoires, et l'accompagnement global, dans les différentes sphères de la vie quotidienne (école, travail), fait souvent défaut », a expliqué le nouveau président de la HAS, le Pr Lionel Collet. Exemple d'écart par rapport aux recommandations : plus d'un patient sur 5 (22 %) auquel un antiépileptique a été prescrit n'a vu qu'un généraliste, alors que le diagnostic doit être posé par un neurologue, un neuropédiatre ou un médecin formé à l'épileptologie.
Maladie chronique courante mais méconnue
L'épilepsie, deuxième maladie neurologique chronique la plus fréquente derrière la migraine, touche 600 000 personnes (soit 1 % de la population française). Pourtant, elle reste méconnue, invisible, victime d'idées fausses. Et aucun plan de santé spécifique ne lui a jamais été consacré.
« L'épilepsie ne se manifeste pas que par des crises ; surtout, il n'y a pas une mais des centaines de types de crises », indique la Dr Cécile Sabourdy, neurologue au CHU de Grenoble. Les causes de cette perturbation du fonctionnement cérébral sont multiples (séquelles d'AVC, infections, maladies génétiques, etc.), les crises plurielles (rares et peu visibles, ou très handicapantes), tout comme les atteintes sur les fonctions cognitives (mémoire, capacité d'attention) ou psychologiques (avec surreprésentation des troubles anxiodépressifs). « Cette diversité des comorbidités a un impact sur la vie quotidienne des patients et des proches, l'insertion scolaire et professionnelle, la vie affective et intime, ou simplement la possibilité de passer son permis de conduire. Cela oblige à un accompagnement global », rappelle la Dr Sabourdy.
« Un enfant épileptique sur deux présente des difficultés à l'école, d'absentéisme, d'estime de soi, de sentiment d'exclusion, sans parler des difficultés cognitives qui se répercutent sur l'attention ou le langage », souligne le Pr Stéphane Auvin, neuropédiatre à l'hôpital Robert-Debré (AP-HP). Et d'insister sur l'accompagnement des parents et de la fratrie, marqués par une première crise souvent vécue comme une expérience de mort imminente.
Fluidité entre trois niveaux de prise en charge
« Nous attendons de ce guide une homogénéisation des prises en charge sur le terrain et leur modulation en fonction des complexités des situations », poursuit la Dr Sabourdy. Au-delà du guide, la HAS diffuse une fiche décrivant les étapes clés du parcours de santé sous forme d'algorithmes décisionnels, une synthèse des points critiques du parcours, objets de dysfonctionnements fréquents, une fiche sur la transition de l'adolescence à l'âge adulte et une synthèse des messages clés.
Le guide décrit trois niveaux de prise en charge à commencer par une entrée dans le parcours grâce aux médecins traitants et urgentistes. Ce niveau est adapté pour les cas les plus simples. Au niveau 2, les neurologues doivent confirmer le diagnostic, faire l'annonce, dépister les comorbidités et mettre en place le cas échéant un traitement médicamenteux. « Le généraliste doit rester au cœur du suivi car il est décisif dans l'articulation avec le neurologue ou le neuropédiatre », précise la Dr Sabourdy.
Au niveau 3, les équipes spécialisées sont censées prendre en charge les tableaux les plus complexes, par exemple, lorsqu'il y a une résistance aux traitements. « Nous souhaitons une fluidité entre ces trois niveaux », indique la Dr Sabourdy. Or actuellement, les médecins hyperspécialistes font face à une demande aiguë pour des épilepsies non complexes qui pourraient être suivies par un généraliste en lien avec un neurologue. C'est particulièrement le cas pour les enfants « où les patients vont trop vite au niveau 3 alors qu'il faut renforcer les deux premiers niveaux », ajoute le Pr Auvin.
Les acteurs espèrent que ce guide aidera à mieux orienter les patients. Les agences régionales de santé (ARS) sont appelées à s'en saisir pour organiser des filières épilepsie dans les territoires. « Il devrait nous aider à évaluer nos besoins en compétences et en formation », considère le Pr Auvin, tout en déplorant la pénurie médicale actuelle. Sur les 3 000 neurologues en exercice, la Fondation française pour la recherche sur l'épilepsie en a référencé 350 spécialisés dans cette pathologie, et 100 chez les neuropédiatres, rapporte la Pr Sophie Dupont.
Les infirmiers de pratique avancée (IPA), assistants médicaux et associations ont vocation à voir leur rôle se renforcer, en particulier dans l'accompagnement. « Mais il faut aussi former les professionnels de première ligne aux diagnostics plus rapides », insiste le Pr Auvin. Quant aux équipes spécialisées, huit centres de références existent et pourraient s'étendre à 12 dès publication des résultats d'un appel d’offres national, tandis que fonctionnent 15 centres de compétences.
« Notre travail sur l'épilepsie n'est pas fini », conclut le Pr Collet, annonçant la publication au second semestre 2023 d'indicateurs de mesure de la qualité de ce parcours de soins.
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