Les mots manquent, les dates se confondent, les souvenirs récents s’effacent avant que le nom soit prononcé « maladie d’Alzheimer ». Des images résonnent confusément dans notre inconscient collectif : la maladie d’Alzheimer est la deuxième pathologie la plus crainte par les Français après le cancer et avant le VIH (1). Aussi présente que soit cette maladie dans nos vies, dans nos craintes, dans notre langage courant, la maladie d’Alzheimer reste méconnue, délaissée des priorités de santé publique et de l’agenda politique.
Or, nous sommes à un moment charnière dans la lutte contre cette maladie. Les premières immunothérapies arrivent, la recherche en est stimulée, la structuration de l’écosystème Alzheimer se renforce. Enfin, l’espoir des personnes qui vivent avec la maladie d’Alzheimer et de leurs familles renaît après des décennies d’échecs dans les laboratoires à identifier une solution thérapeutique curative, et le déremboursement des seuls traitements symptomatiques disponibles en pharmacies. Et que retient-on ? Que l’Europe s’apprête à fermer la porte au seul progrès scientifique récent que nous ayons connu contre cette pathologie, les immunothérapies, capables de ralentir la progression de la maladie à un stade débutant (diminution d’environ 30 % du déclin cognitif après 18 mois de traitement) ; à l’inverse du reste du monde.
Avec ou sans l’Europe, l’Histoire s’écrit maintenant
C’est pourquoi nous, représentants de la communauté Alzheimer, collectif rassemblant associations, fondations et professionnels de santé, tirons la sonnette d’alarme : l’Europe ne peut pas rester à l’arrêt quand le monde entier entame le virage de l’innovation. Nous le devons aux personnes malades, à nos familles, aux proches aidants, à nous-mêmes qui, peut-être plus tard, y serons directement confrontés. Nous demandons d’agir pour les personnes qui vivent avec la maladie d’Alzheimer en Europe, en ayant les mêmes chances que celles dont bénéficient les patients, par exemple, aux États-Unis, au Royaume-Uni ou encore au Japon.
Notre ambition vise à guérir la maladie d’Alzheimer. Mais comment pourrions-nous prétendre arriver en haut de l’escalier si nous refusons d’emprunter la première marche ?
Soyons clairs : ces premières immunothérapies ne constituent pas le remède universel. Les risques d’effets secondaires existent et nous sont bien connus, notamment de possibles œdèmes ou saignements cérébraux. Nous les prenons même très au sérieux et tenons à proposer un encadrement rigoureux de la prescription, comme de l’administration et du suivi. De surcroît, notre ambition ne doit pas se borner à ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer, comme le font ces premières molécules de façon incomplète. Notre ambition doit viser à guérir la maladie d’Alzheimer. Mais comment pourrions-nous prétendre arriver en haut de l’escalier si nous refusons d’emprunter la première marche ? Et pendant que nous nous battons pour remporter ce combat, comment justifier de priver des personnes vivant avec une maladie d’Alzheimer à un stade débutant de plusieurs mois de vie en autonomie préservée ? Nous parlons de 300 000 personnes (2), sans oublier leurs familles et entourages, en souffrance, qui ont également besoin d’accompagnement et d’espoir.
Restons acteurs par nos choix
La position exprimée par le CMHP (Committee for Medicinal Products for Human Use) de l’Agence européenne du médicament en juillet dernier va à l’encontre de l’innovation dans la maladie d’Alzheimer. Une décision lourde qui intervient dans un environnement déjà complexe : errance diagnostique moyenne de deux ans qui place les familles dans l’angoisse, déremboursement des traitements symptomatiques qui produisent pourtant des effets, financements erratiques de la recherche comme du système de soin, considération insuffisante des traitements non-médicamenteux dont les impacts sont pourtant visibles… Sommes-nous prêts à encore attendre, quitte à sacrifier des opportunités pour les patients et, plus gravement encore, le droit à s’autodéterminer ?
Et pourtant, ce que nous voyons, nous, chez les patients qui viennent nous consulter, chez les personnes qui poussent les portes de nos associations et fondations, c’est certes beaucoup de détresse, beaucoup de souffrance, mais ce sont aussi des personnes mues par le courage, qui ont encore tant à vivre lorsqu’elles ont accès à une prise en soins et un accompagnement adapté. Ce sont des histoires de vie et de résilience, des témoignages d’amour décuplé entre aidants et aidés. Et ces vies-là, nos vies à toutes et tous peut-être demain, dans toutes leurs diversités face à l’épreuve, nous sommes fermement mobilisés pour les aider. Mobilisés depuis toujours, et à partir d’aujourd’hui, unis pour être mobilisés plus que jamais.
Le moment est venu de relever ce défi de façon collective et de nous tenir prêts à accueillir rapidement les innovations dans la maladie d’Alzheimer en garantissant un parcours de prise en soin et d’accompagnement des patients.
Nous, représentants de la communauté Alzheimer, nous engageons à nous mobiliser d’une seule et même voix pour travailler aux côtés des pouvoirs publics et des instances afin qu’aucun patient atteint de la maladie d’Alzheimer en France et en Europe ne souffre d’une perte de chance !
(1) Sondage Ipsos - Alzheimer : la deuxième maladie la plus crainte des Français, 2017
(2) N. Villain et al., Revue Neurologie 2022 pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36336488/
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