« Maladie de Parkinson : des évolutions thérapeutiques prometteuses »

Publié le 27/05/2022
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Avec 200 000 sujets touchés en France, la maladie de Parkinson bénéficie de nouveaux progrès thérapeutiques : premiers résultats d'un anticorps monoclonal, pompe à apomorphine, imagerie de haute résolution. Explication, avec le Pr Marc Vérin (CHU de Rennes), des innovations rapportées lors des Journées de neurologie de langue française (JNLF) et de la réunion annuelle de l'American Academy of Neurology (AAN) .
Pr Marc Vérin, fondateur du Centre expert Parkinson Bretagne et président de l'Institut des neurosciences cliniques de Rennes

Pr Marc Vérin, fondateur du Centre expert Parkinson Bretagne et président de l'Institut des neurosciences cliniques de Rennes
Crédit photo : DR

Le Quotidien : Quelles sont les dernières avancées majeures ?

Pr Marc Vérin : Les corps de Léwy situés dans les neurones à dopamine, chez les patients Parkinsoniens, sont constitués à 95 % d'agrégats d'une protéine : l'alphasynucléine normalement présente dans le noyau des neurones et les synapses. La toxicité de ces dépôts est suspectée depuis quelques années, avec plusieurs pistes de recherche pour développer des anticorps contre cette alphasynucléine. Un anticorps monoclonal, le prasinezumab, fabriqué spécialement pour reconnaître cette protéine anormale a fait l'objet de premiers essais chez l'homme. Les résultats de l’étude PASADENA viennent d'être rapportés au congrès de l'AAN (1). Elle a inclus des patients en début d’évolution (diagnostic de deux ans ou moins, stades I-II de Hoehn et Yahr). Ils recevaient des injections mensuelles soit de prasinezumab d’emblée (à faible ou forte dose) pendant 104 semaines pour le groupe à démarrage précoce, soit de placebo pendant 52 semaines suivi de prasinezumab les 52 semaines suivantes dans le bras à démarrage différé. Au terme des 52 semaines initiales, les patients traités par prasinezumab avaient une progression motrice moindre (scores MDS-UPDRS Partie III), versus placebo. L'aggravation par rapport à la ligne de base à la semaine 52 a été moins élevée dans le groupe à démarrage précoce (n = 204) que dans celui à démarrage différé (n = 105). C’était encore le cas à la semaine 104, la différence la plus importante concernant le sous-score de bradykinésie. Moins de patients ayant démarré précocement le prasinezumab (79,1 %) ont atteint une augmentation ≥ 5 points du MDS-UPDRS partie III par rapport au groupe à début différé (89,5 %). L’enregistrement automatique et quantitatif des mouvements (dispositifs portés au poignet) a confirmé la moindre évolution motrice chez les patients traités d’emblée. C'est la première fois au monde qu'un traitement modifie l'évolution de la maladie avec un tel niveau de preuve. La maladie n'a pas été stoppée, mais ralentie. L'hypothèse selon laquelle l'alphasynucléine joue un rôle délétère, est donc probablement valide. La tolérance de cet anticorps a été très bonne.

Et pour les patients les plus gravement touchés ?

Il n'existait pas de recommandations pertinentes pour la prise en charge des patients atteints de formes sévères, en situation palliative. Des équipes françaises, dont la nôtre, s'y sont attelées. Notre objectif était que les malades parkinsoniens en fin de vie ne se retrouvent pas sans traitement (comme dans près de 50 % des cas), au risque d’une forte aggravation pouvant conduire au décès. La recommandation est de mettre en place un traitement par voie sous-cutanée avec une pompe à apomorphine (molécule très proche de la dopamine) afin de stabiliser l'état moteur grâce à une stimulation dopaminergique continue. Surtout utilisée jusqu'ici chez des patients autonomes, l'idée est de la proposer également aux sujets en situation palliative, pour ne plus les laisser sans traitement.

Lors des JNLF, une présentation intéressante du Pr Fabien Zagnoli et de la Dr Amélie Leblanc (Brest) a montré que cette pompe à apomorphine pouvait être mise en route au domicile du patient grâce au développement de sociétés de santé expertes. À six mois de suivi, une étude menée par des neurologues français montre, avec un haut niveau de preuve, que la qualité de vie est améliorée dès le troisième mois, quand la mise en route se fait à domicile par rapport à l'hôpital (2).

Existe-t-il une alternative ?

Si une dose suffisante d'apomorphine ne peut être délivrée et que la voie orale ne convient pas, il est possible de mettre en place une sonde de gastrostomie. La levodopa est ainsi amenée directement au niveau jéjunal. Jusqu'à présent, on ne disposait que de grosses pompes de 500 g. Mais, avec un même résultat, une petite pompe de 200 g, le Lécigimon, vient d'arriver en Europe et aux États-Unis. Elle améliore très substantiellement la qualité de vie.

Enfin, quelles sont les nouveautés en imagerie ?

L'électroencéphalogramme (EEG) de haute résolution révolutionne l'étude des circuits cérébraux impliqués dans diverses maladies neurologiques, en permettant de visualiser le cerveau en temps réel. Lors d'une collaboration avec Bâle, Grenoble et Reykjavik, notre service de Rennes a étudié l'évolution de patients parkinsoniens en début de maladie, à trois, puis cinq ans. Nous montrons que l'EEG de haute résolution permet de prédire l'évolution de la maladie, ce qui est impossible en clinique du fait de la plasticité du cerveau (les capacités de compensation cérébrale empêchant une atteinte déjà diffuse d’être décelée). Il nous manquait un outil pour prouver que malgré une performance en apparence normale, les circuits empruntés ne sont pas les mêmes. C’est ce que montre l'EEG de haute résolution, dont le coût est aussi plus faible que l’IRM (environ 100 000 euros contre deux millions selon une étude en cours de publication). L'enjeu est important, car l’opération d’un patient avec une maladie déjà diffuse, pour lui implanter des électrodes en vue d'une neurostimulation cérébrale profonde, peut être délétère. De même, dans un essai mené sur des anticorps monoclonaux, l’inclusion de patients avec une atteinte cérébrale semblant cliniquement limitée, alors qu'elle est déjà diffuse, va nécessairement biaiser les résultats. Nous avons aussi mis en évidence que l'EEG de haute résolution permet de prédire la sévérité et la pharmacorésistance d'une dépression. Ainsi, l’horizon s’ouvre vers des traitements d’emblée plus agressifs et efficaces. Prochainement, nous allons aussi étudier l'addiction à l'alcool et les circuits qui s'allument au moment du craving (envie de boire).

(1) Pagano G et al, AAN 2022, abstr. S16.008
(2) Leblanc A et al. Revue neurologique 2020, vol 176

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du médecin